Le business des cigarettes de contrefaçon explose dans l’Hexagone. De quoi aimanter les réseaux criminels venus des pays de l’Est. Des mafias extrêmement organisées. Enquête complète et instructive de Capital.
(…) Encore inconnues, ou presque, des fumeurs hexagonaux en 2017, elles représentent aujourd’hui 15,4% de leur usage. Selon l’enquête 2023 du cabinet de conseil KPMG sur le commerce illicite de tabac, « la contrefaçon dont l’explosion a été observée en 2020 et 2021 consolide son fort ancrage en France. Ce ne sont pas moins de 8 milliards de cigarettes contrefaites, soit 400 millions de paquets, qui ont été consommées en 2022 sur le territoire national » (voir 26 juillet 2023).
•• Au total, les Français grillent à eux seuls 61,5% des imitations européennes de grandes marques. Vendues à la sauvette dans la rue, au comptoir de certaines épiceries ou encore sur Facebook et Snapchat par cartons entiers, elles rivalisent désormais avec les clopes de contrebande – des « vraies », celles-là, arrivées clandestinement sur les trottoirs parisiens et marseillais en provenance d’Algérie, notamment, où elles coûtent quatre fois moins cher.
Une large part des cigarettes contrefaites est produite dans des usines clandestines installées loin d’ici. En 2023, sur les 98 unités démantelées en Europe, une quinzaine, dont cinq en Pologne, alimentaient l’Hexagone.
Mais le made in France leur fait concurrence depuis quelques années. À présent, ces pâles copies à la composition douteuse (lire l’encadré page 93) sortent également de discrètes chaînes de production, planquées au milieu de tristes zones industrielles ou au fin fond de la campagne. « Les trafiquants, naguère basés en Russie, en Ukraine et en Biélorussie, se sont peu à peu rapprochés de leurs principaux marchés » analyse l’Allemand Sebastian Bley, chef de la division criminalité économique de l’agence européenne de police criminelle Europol. « Cela leur évite les risques de contrôle aux frontières tout en réduisant les frais de transport ».
•• Toulouse, 6 heures du matin, le 18 décembre dernier. Les policiers investissent un hangar à l’enseigne Istanbul Market, au nord de la Ville rose. Le premier étage recèle un véritable atelier : quatre machines, 571 kilos de tabac en vrac et de cigarettes dotées de faux codes-barres, des cylindres vides, des filtres, de la colle et du film transparent. Dans l’espace vie équipé d’une cuisine et de quatre couchages, ils arrêtent deux petites mains – un Ukrainien et un Kazakh. Leurs patrons, un Azerbaïdjanais et son second, Russe natif du Kazakhstan, sont interpellés chez eux. Un trafic aussi rentable que celui de la drogue, mais des peines encourues bien plus faibles (voir 31 janvier 2024). Lire la suite »