Un homme dépose un billet de 5 euros dans la main gauche de Lotfi et prend aussitôt l’un des quatre paquets de cigarettes de contrebande qu’il tient dans sa main droite. Une scène quotidienne à Bobigny, dont se passeraient bien les riverains, les commerçants et les élus.
Ainsi débute une dépêche publiée par l’AFP, ce matin, signée Maryam El Hamouchi. Nous la reproduisons.
•• Arrivé en France il y a deux ans, Lotfi a commencé à vendre des cigarettes de contrebande pour parvenir à payer un loyer et sortir de la rue. Depuis, la vente à la sauvette est sa solution de « dépannage » lorsque cet Algérien de 30 ans, diplômé au pays dans le jardinage et l’électricité, ne travaille pas – au noir – sur des chantiers en France.
Interpellations, saisies de marchandise et d’argent et Obligations de quitter le Territoire français (OQTF) font désormais partie de son quotidien. Mais il revient toujours à son poste, à la gare routière Pablo-Picasso de Bobigny (Seine-Saint-Denis), pour pouvoir vivre avec les « 40 ou 50 euros » qu’il obtient chaque jour (voir 21 septembre 2022).
•• À 5 euros le paquet, plus de deux fois moins que chez un buraliste, les vendeurs à la sauvette défient toute concurrence. Avec l’inflation qui sévit, ce commerce interlope se porte bien.
« Je préfère acheter les cigarettes dehors que payer 12 euros », témoigne à Noisy-le-Sec Malika (prénom d’emprunt) qui vit de petits ménages. Une fois son paquet de Marlboro Light de contrefaçon en main, elle retrouve le sourire (voir 25 décembre 2021). La galère est telle qu’elle a négocié avec différents vendeurs pour pouvoir payer son paquet avec un titre-restaurant, alors que ceux-ci n’acceptent que du sonnant et trébuchant.
•• Derrière elle, le maire de la commune s’apprête à prendre la parole devant une petite assemblée d’élus, de buralistes et quelques curieux devant la gare RER.
« Depuis 2020, ce trafic a explosé », affirme Olivier Sarrabeyrouse qui dénonce un « réseau où il n’y a que des victimes en dehors des réseaux mafieux » : les acheteurs exposés à une batterie de produits hautement plus nocifs que le tabac, les vendeurs « en grande précarité », les usagers des transports, les riverains et les commerçants, excédés par les nuisances (bruit, harcèlement des clients et rixes entre vendeurs) … Lire la suite »