Un engagement inédit. Les maires de Noisy-le-Sec, Bobigny et La Courneuve ont mené, hier ce 22 mars, leur première action commune contre le trafic de cigarettes. Objectif : obtenir des moyens supplémentaires pour endiguer ce fléau (voir 17 et 20 mars).
Nous reprenons l’article du Parisien signé Nathalie Revenu
•• À l’arrivée de la police municipale, peu avant 17 heures, mercredi 22 mars, les vendeurs de cigarettes à la sauvette se sont envolés comme des moineaux, chassés de leur terrain de chasse favori : la gare RER de Noisy-le-Sec (voir 25 décembre 2021).
Une vingtaine de « sauvettes » se dispersent le long du boulevard de la République et de la rue Jean-Jaurès, deux axes commerçants de la ville. Le ballet des petits revendeurs a cédé la place aux élus ceints de leur écharpe tricolore.
Parmi eux, Olivier Sarrabeyrouse, maire de Noisy-le-Sec, Abdel Sadi, maire de Bobigny, et Gilles Poux, maire de La Courneuve. Les trois maires communistes ont tenu leur première conférence de presse itinérante. Ils ont en commun la vente de cigarettes de contrefaçon en masse sur le territoire de leurs communes.
« Dans ce domaine, il n’y a que des victimes », lance Olivier Sarrabeyrouse: « Les acheteurs, car il n’y a aucune garantie sanitaire » sur ces produits contrefaits, « les vendeurs qui sont aux mains de réseaux mafieux », « les commerçants dont le chiffre d’affaires chute de façon significative », « les habitants qui viennent me voir en permanence ». Les Noiséens évoquent un « quartier assiégé » « un milieu anxiogène » et « une insécurité de plus en plus forte ». « Il n’y a que les réseaux qui sont gagnants », soupire le maire.
À Noisy-le-Sec, le cœur du trafic se déploie autour de la gare RER. « Aux heures de pointe », précise l’élu. Les hommes qui agitent des paquets de fausses Marlboro vendus 5 euros sont sur le pied de guerre dès les premiers flux de voyageurs.
•• Fateh, 27 ans, explique qu’il arrive sur place « dès 5 heures » pour en repartir aux alentours de 23 heures. Pour un gain journalier de 40 euros. « Y a pas le choix. C’est pas un travail, c’est pour manger », lâche ce sans-papiers originaire d’Algérie. Il ne précise pas comment il a été aiguillé jusqu’à cette gare RER de banlieue. Tous les jours, quelque 30 000 voyageurs y transitent. Une raison suffisante pour tenter de se glisser parmi les dizaines de miséreux qui battent le pavé. La police n’est pourtant pas absente du terrain. Hier, Fateh s’est fait confisquer par les agents « 210 euros et quelques paquets ».
« En 2022, 10 000 paquets ont été saisis, mais rien n’y fait. Ce trafic est difficile à gérer à l’échelon communal », estime Olivier Sarrabeyrouse. Avec Abdel Sadi et Gilles Poux, ils en appellent à l’État et au ministre de l’Intérieur. Ils réclament une commission intercommunale sur cette question et pourquoi pas une visite de terrain de Gérald Darmanin. « C’est un sujet qui a des conséquences sanitaires, sociales et sociétales », insistent les trois maires.
•• Autre site, même situation : le quartier Pablo-Picasso, à Bobigny (voir 21 septembre 2022), où convergent tramways, bus et métro … et les vendeurs de « Marlboro Bled ». C’est l’une des gares les plus fréquentées d’Île-de-France. Abdel Sadi y observe le même rituel tous les mois depuis septembre 2022.
Avec un représentant de la chambre syndicale des buralistes d’Île-de-France, il essaie de sensibiliser les acheteurs potentiels aux dangers de ces produits. Ce mercredi soir, Philippe Alauze, le président du syndicat, est venu avec une dizaine de buralistes appuyer le message des élus. Ce commerce illicite les touche de plein fouet. Ces réseaux parallèles constituent entre 15 et 25 % de la vente de cigarettes, selon les statistiques de l’OFDT (Observatoire français des Drogues et des Tendances addictives).
•• À La Courneuve (voir 23 février 2022), aux Quatre-Routes, dernière étape de ce Marlboro Bled tour, en plein quartier de reconquête républicaine (QRR), la politique de harcèlement menée par les polices nationale et municipale a porté ses fruits.
La ville a pu bénéficier du recrutement d’une vingtaine de policiers supplémentaires, au contraire des deux autres villes. « La situation était devenue excessivement préoccupante, des jeunes femmes ne voulaient plus prendre le tram », souligne Gilles Poux. À partir de janvier 2021, la police a effectué des contrôles tous les jours et plusieurs fois par jour. « Cela n’a pas fait cesser le trafic mais il est redescendu à un seuil supportable. » Mais, le maire en est convaincu, « au moindre relâchement, il reviendra ».
Les trois maires ont appelé d’autres villes à rejoindre leur mouvement. À l’échelle du département, en 2022, 700 000 paquets ont été saisis et 3 600 personnes ont été interpellées. Photo : Le Parisien N. R.