Dans une communication, Génération sans Tabac – plate-forme de mobilisation citoyenne contre le tabagisme développée par le CNCT et soutenue financièrement par le Fonds de Lutte contre les Addictions (voir 23 août et 6 septembre 2022) – revient sur la diffusion et la confusion de sachets de nicotine en France.
Nous en reprenons des extraits.
Abusivement présentés comme des « snus » par les médias (voir 29, 28 et 27 décembre 2022), les sachets de nicotine (ou « pouches ») profitent du flou autour des produits de la nicotine pour se développer progressivement le marché français. Promus par des célébrités du sport, ces sachets de nicotine séduisent le public des jeunes et sont déjà vendus sur des sites Internet, des réseaux sociaux ainsi que dans certains débits de tabac.
•• Depuis plusieurs semaines, les signalements de présence de sachets de nicotine sur le marché français se multiplient.
Les médias présentent presque systématiquement ces sachets de nicotine comme des « snus », alors qu’une différence de taille existe : si les deux produits s’utilisent de la même manière, en plaçant le sachet entre la gencive et la lèvre, le snus est un sachet contenant du tabac, alors que les sachets de nicotine (« pouches » en anglais) contiennent une poudre à base de nicotine.
À l’exception de la Suède, qui a obtenu une dérogation spécifique, les snus restent interdits dans l’ensemble de l’Union Européenne (UE). Ils sont cependant commercialisés en Suisse et en Norvège, qui ne font pas partie de l’UE, mais sont interdits en Islande et au Royaume-Uni.
Comme les cigarettes électroniques et les puffs, les sachets de nicotine profitent en revanche du flou juridique entourant les produits de la nicotine sans tabac. Les teneurs en nicotine proposées sont de 2 à 20 mg par sachet. Le type de nicotine contenue dans ces sachets peut être sous forme, soit freebase (extraite du tabac), soit de sels de nicotine (traitement par un acide), soit de nicotine de synthèse.
•• De nombreux industriels se sont engouffrés dans la production et la commercialisation des sachets de nicotine.
Parmi les industriels du tabac, British American Tobacco (BAT), avec sa marque Velo (anciennement Lyft / voir 28 juillet 2022, 5 novembre 2020), ainsi que Japan Tobacco International (JTI), avec la marque Nordic Spirit, ont déjà investi ce segment dans plusieurs pays depuis 2019.
Jusqu’ici absent sur ce marché, Philip Morris International (PMI) y entre en position de force après avoir concrétisé, le 28 novembre 2022, son rachat de l’entreprise suédoise Swedish Match, leader mondial des snus et des sachets de nicotine (marques Zyn, Longhorn, XR, Wolf, Thunder), au terme d’une OPA de 15 milliards d’euros (voir 28 novembre 2022).
À l’écart du marché étatsunien depuis sa scission avec Altria en 2008, PMI y reprend pied, tout en devenant un concurrent de la marque de pouches On! produite par ce même Altria (…)
•• Comme pour d’autres produits de la nicotine dépourvus de tabac, les fabricants présentent aussi les sachets de nicotine comme des produits de réduction des risques permettant de réduire la prévalence de fumeurs.
La déclinaison de ces produits dans une large gamme d’arômes fruités et sucrés rappelle toutefois la stratégie des industriels du tabac pour cibler les consommateurs les plus jeunes, ce qui a par exemple contribué au succès des cigarettes électroniques.
L’argument de la discrétion semble avoir porté dans certains sports de haut niveau, où les snus semblent très consommés et soupçonnés depuis une dizaine d’années de fournir un effet dopant. Ce constat a été tout particulièrement dressé dans le milieu du ski de compétition, mais de nombreux sportifs d’autres disciplines ont également été testés positifs à la nicotine.
Les sachets de nicotine paraissent aujourd’hui se diffuser à leur tour dans le monde du sport. Un incident médiatisé récemment montrait ainsi le footballeur français Marcus Thuram tenant à la main une boîte de sachets de nicotine de marque Velo, laissant craindre un possible effet d’influence sur les jeunes. La diffusion des sachets de nicotine, déjà signalée chez de jeunes sportifs non-fumeurs, toucherait à présent plus largement les jeunes et les étudiants (voir 27 novembre et 27 décembre).
L’absence de tabac dans les sachets de nicotine a déjà permis aux industriels de contourner les lois antitabac de nombreux pays, même si elle ne les autorise pas pour autant à mettre en vente des produits toxiques sans déclaration.
Si la Directive européenne sur les produits du tabac réglemente les produits du tabac et du vapotage, elle est en revanche muette sur les produits de la nicotine qui échapperaient à ces définitions et ne constitueraient pas des Traitements nicotiniques de Substitution (TSN).