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18 Mar 2022 | Profession
 

Le Français Grégoire Verdeaux, membre du comité exécutif de Philip Morris International (PMI), assure, une nouvelle fois, que son groupe veut « sortir du marché de la cigarette » en la remplaçant par des produits sans combustion sur lesquels la firme s’est positionnée. 

Entretien avec Les Dernières Nouvelles d’Alsace / Vosges Matin, après L’Hémicycle, Ouest France, La Tribune (voir 25 et 10 février, 17 janvier).

• La Suisse vient de voter en faveur de l’interdiction de la publicité pour le tabac visible par des mineurs (voir 14 février). Une déception pour PMI, qui avait financé la campagne du non ?

Grégoire Verdeaux : « L’objectif de l’initiative est de protéger les jeunes, et nous sommes d’accord avec cela. On aurait regardé différemment cette initiative si elle avait fait la distinction entre les cigarettes et les alternatives sans fumée, comme les cigarettes électroniques et le tabac chauffé, qui sont un meilleur choix pour la santé … mais elle ne fait pas cette différence.

Des pays pionniers dans la lutte contre le tabagisme tels que la Nouvelle-Zélande ou le Royaume-Uni l’ont faite ; avec des résultats excellents en termes de réduction de l’utilisation des cigarettes dans leur pays. Ça risque d’être une occasion perdue pour la santé de tous ceux qui continuent à fumer et pour la santé publique. »

• En France, les ventes de cigarettes ont baissé de 6,5 % en 2021. Quelle est la réaction de PMI ?

G. V. : « Depuis 2018, les ventes chez le buraliste baissent sensiblement, sauf en 2020, année de confinement. Mais ces chiffres sont artificiels. La prévalence de fumeurs quotidiens, selon Santé publique France, a augmenté, passant ainsi de 24 % en 2019 à 25,5 % en 2020. Sur les 50 milliards de cigarettes vendues chaque année, 15 ne sont pas achetées chez le buraliste. Beaucoup d’achats transfrontaliers sont illicites, et nous notons une explosion du marché de la contrefaçon.

« Nous estimons que la part de la contrefaçon représente entre 11 à 12 % du marché, mais ces chiffres sont peut-être déjà dépassés, tant le développement est exponentiel. 

• Assiste-t-on aux limites du paquet à 10 euros  ?

G. V. : « Il y a une absence de prise en compte de la réalité sociale de la consommation. Il y a environ 12 % de fumeurs quotidiens chez les CSP +. Chez les chômeurs, nous atteignons 44 %. D’une certaine manière, avec une charge fiscale autour de 2 000 euros par an pour un fumeur moyen, c’est pousser les fumeurs à aller se fournir sur un marché parallèle. 

Nous appelons les pouvoirs publics à avoir une politique volontariste, pour leur permettre de faire la transition qui s’est faite pour les catégories sociales les plus favorisées, qui pour une bonne part sont passées au vapotage. L’exemple le plus proche étant le Royaume-Uni où le ministre de la Santé a proposé en novembre, via l’équivalent de la sécurité sociale, la cigarette électronique comme outil de cessation de fumer. »

• Ne manque-t-on pas d’études à ce stade pour encourager le vapotage ?

G. V. : « En France, il y a une attitude conservatrice. Il faut mesurer l’effet du principe de précaution, qui est de laisser la population consommer des cigarettes, qui sont de plus en plus souvent des contrefaçons.

Tout ce qui ne comporte pas de combustion présente une exposition extrêmement réduite par rapport à la cigarette comme l’ont compris certains pays européens qui l’ont intégré à leur réglementation. Ces alternatives représentent un meilleur choix que la cigarette, ce qu’un nombre croissant d’études indépendantes reconnaissent.

• Il y a aussi les patchs ou les pastilles de nicotine, pour arrêter.

G. V. : « Ce sont des approches complémentaires. Notre message, qui peut surprendre, est de ne pas commencer à fumer. Et si vous fumez, arrêtez. Mais les méthodes de cessation ont une efficacité limitée et la majorité des fumeurs n’arrêtent pas. »

« Philip Morris veut, sans aucune ambiguïté, sortir du marché de la cigarette en la remplaçant par des produits sans combustion, ce qui implique une coopération complète entre l’industrie et les pouvoirs publics. En France, ce n’est pas le cas. La campagne présidentielle est peut-être un moment pour éveiller les esprits aux changements. Nous l’appelons en tout cas de nos vœux. »

• Votre kit de tabac chauffé coûte à l’achat près de 70 euros. Vous espérez une prise en charge par la Sécurité sociale ?

G. V. : « Ce n’est pas notre demande. Le gouvernement britannique est si convaincu des vertus de cessation de la cigarette électronique qu’il en envisage une version médicale sous prescription pour les plus démunis. Ce serait une voie à explorer, en parallèle de l’offre commerciale qui est la nôtre et celle de nos concurrents, dans un marché très ouvert.

« Le groupe a investi plus de 9 milliards de dollars dans le développement des alternatives et réalise aujourd’hui plus de 30 % de son revenu opérationnel mondial avec des alternatives comme le tabac chauffé. L’objectif que le groupe s’est fixé est d’atteindre au moins 50 % en 2025. Nous souhaiterions pouvoir remplacer les cigarettes par des produits sans combustion. Et nous invitons le reste de l’industrie à le faire avec nous. »

• À quelle échéance ce monde sans cigarettes en France ?

G. V. : « S’il y avait une politique active, nous pourrions d’ici 10 ou 15 ans envisager d’être au même niveau que la Suède, où la prévalence tabagique est tombée à 6 %. »