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17 Jan 2022 | Profession
 

« La hausse des taxes sur le tabac ne fait qu’impacter toujours plus le pouvoir d’achat des 11 millions de citoyens français qui fument, sans faire baisser la prévalence tabagique » affirme Grégoire Verdeaux, vice-président des affaires extérieures de Philip Morris International (voir 27 août 2020 et 3 novembre 2020) dans La Tribune.

Certains se félicitent d’une baisse annoncée, de l’ordre de 6 %, des ventes de cigarettes en France en 2021 par rapport à 2020 (voir 8, 9 et 13 janvier). Cette baisse serait l’exact reflet d’une baisse de la consommation due au succès de la politique mise en place par le Gouvernement. 

•• La réalité est cependant tout autre, car cette baisse est en trompe-l’œil. Sous l’impact des mesures sanitaires et de la fermeture des frontières, les ventes domestiques de cigarettes avaient ponctuellement gonflé en 2020 : la baisse dont on se félicite aujourd’hui ne traduit finalement qu’un retour à « la normale ». 

Surtout, présenter cette (très relative) baisse des ventes en 2020 comme une baisse de la consommation est un artifice, pour masquer le complet échec de la politique des vingt dernières années, tous gouvernements confondus, en matière de prévalence tabagique.

•• Car la France applique avec entêtement une politique traditionnelle en matière de tabac – prévention, cessation, taxation – qui ne fonctionne pas, et lui confère la pire prévalence tabagique (25 % de la population adulte) de toute l’Europe de l’Ouest.

Elle conjugue d’ailleurs inefficacité et iniquité, puisqu’elle accroît inexorablement la pression fiscale sur des fumeurs dont le profil économique et social est généralement des plus modestes. Ils sont ainsi 33,3 % à fumer parmi les revenus les plus modestes quand la prévalence tabagique tombe à 18% chez les Français qui gagnent le mieux leur vie.

L’État, qui perçoit 84 % du prix acquitté à l’achat d’un paquet de cigarettes, n’aurait-il pas mieux à faire que de continuer à prélever plus de 2 000 euros d’accises par an en moyenne sur des personnes dont beaucoup ne gagnent pas assez pour acquitter l’impôt sur le revenu ? 

Est-ce en grevant à grand renfort de taxes le pouvoir d’achat des plus défavorisés que l’on pense les pousser à arrêter de fumer ?  Comment passer ainsi sous silence les chiffres de Santé Publique France qui montrent chaque année qu’ils sont ceux qui fument le plus, subissant par là-même une double peine sanitaire et économique plus lourde encore à supporter ?

•• Et malheureusement, le désastre ne s’arrête pas là. Car chacun sait que cette pression fiscale exacerbée a permis l’essor d’un marché parallèle de la cigarette illicite, soit de contrebande, soit (pire encore) de contrefaçon, où le prix du paquet chute à 5, voire 3 euros.

La France seule représente près de 60% de tout ce marché illicite européen, et quand on sait les ramifications étroites qui unissent trafiquants, groupes mafieux et terroristes, on voit qu’il ne s’agit pas uniquement d’une question de fiscalité ou de santé publique.

•• Une fois ce bilan établi, ne serait-il pas temps de regarder ce qui se passe chez nos voisins pour transposer chez nous les solutions qui fonctionnent ? Inutile d’aller chercher très loin. Au Royaume-Uni par exemple, qui présentait il y a 20 ans encore des chiffres aussi alarmants que les nôtres en matière de tabagisme.

En intégrant dans leur politique de santé publique principe de réduction des risques et mesures de soutien au pouvoir d’achat des plus défavorisés, ils ont vu leur taux de prévalence tabagique chuter pour n’être plus que de 12 % aujourd’hui. L’approche basée sur le risque est en effet aujourd’hui au cœur des politiques discutées en Europe du Nord, en Europe centrale et dans certains pays anglo-saxons comme la Nouvelle-Zélande. Elle donne priorité au pragmatisme.

•• Quel est l’impact du principe de précaution, c’est-à-dire du statu quo, lorsqu’en réalité les politiques classiques de lutte contre le tabagisme ne fonctionnent pas ? Pourquoi ne pas ouvrir ce débat en France également ? 

Il est plus que temps aujourd’hui de s’intéresser vraiment aux fumeurs, de dépasser enfin les guerres de chapelles et autres dogmatismes pour rassembler, au-delà des clivages, tous les acteurs du secteur – médecins, chercheurs, politiques, associations, fabricants – afin d’imaginer ensemble une politique de santé publique plus pragmatique et efficace qui les aide véritablement à arrêter de fumer.