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25 Mar 2023 | Trafic
 

Un homme dépose un billet de 5 euros dans la main gauche de Lotfi et prend aussitôt l’un des quatre paquets de cigarettes de contrebande qu’il tient dans sa main droite. Une scène quotidienne à Bobigny, dont se passeraient bien les riverains, les commerçants et les élus.

Ainsi débute une dépêche publiée par l’AFP, ce matin, signée Maryam El Hamouchi. Nous la reproduisons.

•• Arrivé en France il y a deux ans, Lotfi a commencé à vendre des cigarettes de contrebande pour parvenir à payer un loyer et sortir de la rue. Depuis, la vente à la sauvette est sa solution de « dépannage » lorsque cet Algérien de 30 ans, diplômé au pays dans le jardinage et l’électricité, ne travaille pas – au noir – sur des chantiers en France.

Interpellations, saisies de marchandise et d’argent et Obligations de quitter le Territoire français (OQTF) font désormais partie de son quotidien. Mais il revient toujours à son poste, à la gare routière Pablo-Picasso de Bobigny (Seine-Saint-Denis), pour pouvoir vivre avec les « 40 ou 50 euros » qu’il obtient chaque jour (voir 21 septembre 2022).

•• À 5 euros le paquet, plus de deux fois moins que chez un buraliste, les vendeurs à la sauvette défient toute concurrence. Avec l’inflation qui sévit, ce commerce interlope se porte bien.

« Je préfère acheter les cigarettes dehors que payer 12 euros », témoigne à Noisy-le-Sec Malika (prénom d’emprunt) qui vit de petits ménages. Une fois son paquet de Marlboro Light de contrefaçon en main, elle retrouve le sourire (voir 25 décembre 2021). La galère est telle qu’elle a négocié avec différents vendeurs pour pouvoir payer son paquet avec un titre-restaurant, alors que ceux-ci n’acceptent que du sonnant et trébuchant.

•• Derrière elle, le maire de la commune s’apprête à prendre la parole devant une petite assemblée d’élus, de buralistes et quelques curieux devant la gare RER.

« Depuis 2020, ce trafic a explosé », affirme Olivier Sarrabeyrouse qui dénonce un « réseau où il n’y a que des victimes en dehors des réseaux mafieux » : les acheteurs exposés à une batterie de produits hautement plus nocifs que le tabac, les vendeurs « en grande précarité », les usagers des transports, les riverains et les commerçants, excédés par les nuisances (bruit, harcèlement des clients et rixes entre vendeurs) …

Olivier Sarrabeyrouse et deux autres maires PCF – de Bobigny et de La Courneuve – ont organisé mercredi une « conférence de presse itinérante », le long de la ligne 1 du tramway. Dans chacune de ces villes populaires, ils répètent aux quelques administrés passant par-là leurs mises en garde et leurs souhaits de « moyens supplémentaires de l’État » (voir 23 et 20 mars 2023).

•• « Je sature » … « J’espère que vous allez réussir à faire quelque chose », lance, sans grande conviction, Carole Lusine à une femme qui lui tend un flyer « Stop au trafic », avant de s’engouffrer dans le métro à Bobigny. Elle n’a que trois arrêts avant de rejoindre son domicile à Pantin (Seine-Saint-Denis).

Mais depuis quelque temps, elle préfère s’arrêter avant pour éviter les attroupements de vendeurs massés à la sortie de la station Hoche car ils rendent l’ambiance oppressante. « C’est fatigant, je sature. Avant j’aimais ma ville mais avec ça… », soupire la secrétaire comptable.

•• À Pantin, le trafic était historiquement circonscrit au carrefour des Quatre-Chemins puis s’est étendu ces dernières années de l’autre côté du canal de l’Ourcq. D’abord de manière discrète, avant une nette détérioration ces derniers mois (voir 17 mars 2023).

La librairie La Malle aux histoires, présente depuis 16 ans dans la ville, a ouvert en septembre une seconde boutique, en face de la bouche de métro. « Au début c’était gérable », raconte la gérante, Morgane Payock-Monthé. Les vendeurs, une demi-douzaine, étaient polis. « Aujourd’hui ils sont 30 », avec un comportement plus hostile qui dissuade certains clients. « Le trafic il y en aura toujours, c’est l’occupation du territoire qui est compliquée », ajoute la libraire, attristée par le manque de perspective des vendeurs, dont la physionomie se rajeunit.

Les doléances, mises par écrit via une pétition, sont remontées jusqu’au maire, reçu le 3 mars par le préfet de police de Paris, compétent pour la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne).

Depuis plusieurs semaines les patrouilles plus régulières de la police – municipale et nationale – éparpillent les vendeurs, offrant quelques minutes de répit aux riverains et commerçants … avant qu’ils ne se regroupent, inexorablement.