Pourquoi les trafics de tabac sont-ils devenus légion dans le Valenciennois ? Comment se mettent-ils en place ? Comment les enquêteurs parviennent-ils à les identifier ? De quelle manière le parquet lutte-t-il contre ce phénomène ?
Éléments de réponse dans La Voix du Nord, avec Juliette Chopin, l’une des substitutes valenciennoises spécialisées dans la criminalité organisée (voir 16 avril et 16 septembre).
•• Du petit trafic familial à la bande organisée
Lorsqu’on s’intéresse d’un peu plus près aux trois premiers trafics de tabac démantelés en 2024 dans le Valenciennois, plusieurs similitudes sautent aux yeux. À plusieurs reprises, « ça démarre par des couples qui s’organisent pour ramener du tabac à leurs proches et ça s’étend ensuite », dépeint la substitute Juliette Chopin.
La Belge interpellée en mars à Anzin est suspectée d’avoir entretenu « une clientèle jusque dans le Pas-de-Calais. Dès fois elle livrait, dès fois elle déléguait à des clients qui revendaient », retrace la magistrate spécialisée dans la criminalité organisée (voir 27 mars).
La deuxième affaire, à Escaudain, démarre aussi par « un petit trafic familial » avec un père, sa compagne et quelques clients. « Puis le fils s’émancipe. Et il est reparti dans un trafic beaucoup plus important avec un copain. On a plus d’un million d’euros de préjudice dans cette affaire. » C’est dans cette affaire qu’un appartement a été saisi à Dubaï. L’ampleur du trafic s’est traduite par des qualifications en bande organisée et le blanchiment avait été retenu (voir 16 avril).
Autre affaire marquante, celle de Beuvrages. Là encore, elle impliquait deux sœurs et leurs conjoints qui se sont ensuite « professionnalisés » dans ce type de trafic (voir 24 janvier).
•• La porosité avec les trafics de stupéfiants
Les trois jeunes de Neuville comparaîtront aussi pour trafic de stupéfiants. L’un des impliqués d’Escaudain était déjà connu pour des affaires de stupéfiants. Dans l’affaire d’Anzin, des stupéfiants avaient été retrouvés chez l’un des revendeurs présumés …
« Il y a souvent une porosité entre les stupéfiants et le tabac, observe Juliette Chopin. Et parfois, des reconversions des stupéfiants au tabac. C’est très lucratif et la clientèle est beaucoup plus importante que pour les stups. »
Les impliqués misent aussi sur « un risque pénal moindre » du fait que le tabac n’est pas illégal. Pour autant, « à partir du moment où on est dans une économie souterraine, il y a des risques de violence et de nuisance pour le voisinage » estime la magistrate, « la violence du trafic demeure. »
•• Signalements douaniers ou renseignements anonymes
Depuis le décret du 27 mars dernier, l’UE fixe le tabac destiné à la consommation personnelle à quatre cartouches (voir 29 mars et 11 avril). Est-ce un obstacle pour les douaniers ou les enquêteurs ? On devine que ce n’est pas nécessairement le cas puisque le décret liste dix critères permettant d’évaluer si le tabac est destiné à de la consommation personnelle ou de la revente.
Pour l’affaire d’Escaudain par exemple, « on a eu une multiplication des signalements douaniers. L’un des mis en cause avait été contrôlé à plusieurs reprises avec des quantités importantes de tabac », rebondit la substitute. Autre constat, les enquêtes policières ne reposent pas uniquement sur ce type de signalement. « Comme pour les affaires de stupéfiants, les renseignements anonymes sont souvent importants »
•• Un trafiquant condamné à payer plus de cinq millions d’euros de droits fraudés
Entre janvier et juin, une quinzaine de personnes ont été placées en garde à vue à l’issue d’enquêtes en préliminaires menées par le parquet de Valenciennes. « Pour avoir vendu, importé et/ou détenu, parfois en bande organisée, du tabac manufacturé, les mis en cause encourent des peines d’emprisonnement de trois à dix ans », rappelle le parquet dans un communiqué.
À cela peut s’ajouter jusqu’à 500 000 euros d’amendes fiscales et/ou une amende douanière qui peut être de dix fois la valeur du montant de la fraude. L’affaire d’Escaudain (pour laquelle les prévenus ont interjeté appel) s’est traduite, en avril dernier, par des peines « allant de 18 mois avec sursis probatoire intégral à 2 ans avec mandat d’arrêt et à des amendes douanières de 100 000 à 600 000 euros ainsi qu’au paiement des droits fraudés de 2 à 5 millions d’euros ».




