Malgré un environnement des plus contraignant (hausses des prix, interdiction de publicité, paquet neutre, restrictions de distribution comme de consommation …), les modèles économiques des industriels du tabac résistent « de façon remarquable ».
Une enquête du Figaro Économie (extraits).
Les fabricants enregistrent certes un recul de leurs ventes en volumes. Mais leur chiffre d’affaires de continuer à croître dans le monde (+ 6,9 % au 1er semestre pour BAT, + 13,7 % sur neuf mois pour JTI).
•• Et surtout, cela n’affecte en rien leurs profits. « Les plus grands cigarettiers sont parvenus à maintenir une rentabilité très élevée au cours de la dernière décennie, avec une marge dépassant les 40 % » constate David Beadle, spécialiste du secteur chez Moody’s. Elle a ainsi atteint 43,4 % chez BAT au premier semestre.
Si le chiffre d’affaires et les profits des géants du tabac continuent d’augmenter, c’est justement grâce aux hausses de prix des cigarettes, dont le coût de fabrication n’a, lui, pas bougé. « Les augmentations de tarifs compensent une bonne partie de la baisse de la consommation dans les pays occidentaux tandis que la croissance de la population dans le reste du monde permet globalement d’y maintenir les volumes » résume l’analyste de Moody’s.
Autre levier de croissance pour les Big Tobacco, les pays émergents, où la consommation reste élevée. « Dans des pays comme la Chine, l’Indonésie, la Turquie et la Russie, il n’y a pas de stigmatisation des fumeurs comme ça peut être le cas en Occident » constate David Beadle, « cela se traduit dans les volumes. » Les livraisons de cigarettes de Philip Morris en Amérique latine, au Moyen-Orient et en Afrique et en Asie ont ainsi progressé depuis janvier. (…)
•• Depuis plus d’une décennie, ces industriels s’attellent à leur diversification et à la création de relais de croissance. « C’est un moment historique pour l’industrie du tabac » assure Emmanuel Babeau, directeur financier de Philip Morris International, « un virage a été pris avec les cigarettes électroniques, le tabac à chauffer, les poches de nicotine. Il s’agit d’un bond en avant en matière de santé publique. »
Philip Morris, qui y a consacré plus de 9 milliards de dollars, est sans doute celui qui est allé le plus loin dans la diversification. Le groupe prône même l’avènement d’un monde « sans fumée ». À horizon 2025, ses nouveaux produits devront représenter plus de la moitié de son chiffre d’affaires (30 % en 2022). C’est déjà le cas dans six marchés du groupe.
Pour y parvenir, PMI a multiplié les acquisitions : Swedish Match, Vectura, le laboratoire danois Fertin Pharma (voir 7 novembre, 16 et 20 septembre).
S’il vient de lancer sa marque d’e-cigarette, PMI a surtout misé sur le tabac à chauffer Iqos, qui compte déjà près de 20 millions de consommateurs. « Philip Morris a réussi à recréer une vraie marque forte » déclare David Beadle « Iqos est un peu le nouveau Marlboro.» L’entreprise vise au moins 1 milliard de dollars de chiffre d’affaires avec cette marque en 2025.
BAT fait le pari que ses produits alternatifs à la cigarette réaliseront 5 milliards de livres de chiffre d’affaires en 2025, et que cette activité sera rentable. Le groupe s’estime sur la bonne voie : les ventes de cette branche ont progressé de 11 % sur les douze derniers mois, et il a réduit de plus de 50 % ses pertes. JTI vient de nouer un partenariat avec Altria pour commercialiser des dispositifs de tabac chauffé sur le vaste marché américain (voir 2 novembre).
« La pénétration de ces nouveaux produits s’est accélérée au cours des cinq dernières années, atteignant dans la plupart des pays occidentaux 10 % du marché de la nicotine » reconnaît Callum Elliott, analyste chez Bernstein Research, « dans certains pays d’Europe de l’Est ou au Japon, cela dépasse les 30 % ».
•• Sur le marché de l’e-cigarette, les géants du tabac restent pourtant challengers dans de nombreux pays. C’est le cas en France, où les systèmes ouverts détiennent 60 % du marché, vendus par une multitude de fabricants dans les magasins spécialisés et sur internet.
Autres concurrents, les fabricants de Puff, ces e-cigarettes jetables qui ont séduit les consommateurs les plus jeunes avec leurs arômes acidulés. Ayant résisté à l’offensive réglementaire des États, les géants du tabac ne semblent pas s’inquiéter de ces nouveaux rivaux, conclut l’enquête.