Par rapport à la proposition de loi du député Frédéric Valletoux (Horizons / Seine-et-Marne) visant à « obliger les industriels du tabac à ne livrer dans chaque pays que la consommation nationale », le Comité national contre le Tabagisme (CNCT) a réagi par un communiqué que nous reprenons (voir 14 novembre, 6 décembre).
Une proposition de loi du député Horizons Frédéric Valletoux (Seine-et-Marne) souhaite s’attaquer aux marchés parallèles, en limitant l’approvisionnement des États en tabac en fonction de la consommation intérieure réelle. Si la proposition se limite à la France, elle permet toutefois de lancer un débat européen sur le surapprovisionnement de certains États frontaliers par l’industrie du tabac, pénalisant autant la santé publique que les recettes fiscales françaises. Le CNCT salue une telle initiative, nécessaire dans un contexte de prochaine révision de la directive européenne des produits du tabac.
•• Les données actuellement disponibles permettent de témoigner des pratiques de surapprovisionnement de certains États frontaliers par l’industrie du tabac. Ainsi, en 2019, les cigarettiers ont approvisionné le Luxembourg à hauteur de 5 287 cigarettes par habitant, soit dix fois plus qu’en France. Si cet approvisionnement était exclusivement destiné au marché intérieur, chaque Luxembourgeois devrait consommer 14 cigarettes par jour. En réalité, ce surapprovisionnement permet de contourner les politiques fiscales françaises, en inondant les régions frontalières de produits du tabac bon marché.
Conformément au Protocole de l’OMS sur le commerce illicite, le député propose que l’ensemble des pays de l’Union européenne imposent des quotas d’approvisionnement en tabac correspondant à la consommation intérieure réelle. La proposition de loi, ne pouvant s’appliquer qu’en France, appelle les députés européens à porter la mesure pour l’ensemble de l’Union européenne, dans le cadre de la révision de la directive des produits du tabac.
•• Alors que l’industrie du tabac livre annuellement 850 millions de cigarettes à Andorre, la proposition de loi estime que cet approvisionnement devrait être limité à 120 millions d’unités. Toutefois, Andorre n’ayant pas ratifié le Protocole de l’OMS, la principauté n’est pas tenue d’appliquer ces quotas. Pour cette raison, le député propose à la France et à l’Espagne de peser au niveau de l’Union européenne, afin qu’elle engage une négociation avec Andorre en ce sens. En cas de refus de la principauté, la proposition de loi suggère de diviser par dix les quantités de tabac transportables depuis Andorre, les limitant ainsi à deux paquets de cigarettes par personne.
•• Si cette proposition venait à être adoptée, celle-ci aurait un effet certes limité, mais elle poserait une première étape dans le débat européen sur la question du surapprovisionnement. Cette proposition de loi a par ailleurs le mérite d’établir un diagnostic clair sur les causes du marché parallèle, et de proposer une solution efficace, bien que rarement évoquée dans le débat public. Le CNCT se félicite par ailleurs que la responsabilité de l’industrie du tabac dans l’alimentation des marchés parallèles soit évoquée, ainsi que la nécessité que la lutte contre le commerce illicite soit faite en pleine indépendance des fabricants.
Pour le Professeur Yves Martinet, Président du CNCT, cette proposition de loi est un « très bon signal de la majorité présidentielle, à la veille de la révision de la directive européenne des produits du tabac. La lutte contre les marchés parallèles, qui revêt un enjeu sanitaire et fiscal de premier ordre, passe d’abord par la neutralisation de l’industrie du tabac, dans sa capacité à nuire aux objectifs de santé des États et de la société ».