Une fenêtre sur l’actualité quotidienne de tous les événements liés directement ou indirectement au tabac
21 Avr 2022 | Pression normative
 

Claudia Cohen, journaliste du Figaro, a mené l’enquête sur les réseaux sociaux préférés des jeunes où des influenceurs vantent, entre autres, les mérites du vapotage ou de l’alcool. Une investigation relayée sur BFM Business dans la foulée. Le point sur une situation qui va évoluer. 

•• Coup d’envoi : « Les amis, je suis obligée de vous parler de cela : le vapotage Puff, c’est grave, la tendance en ce moment. Le mien est sans nicotine. Mais pour les gens qui sont beaucoup plus dépendants de la cigarette, il y en a aussi avec de la nicotine. » C’est en ces termes que l’influenceuse Sarah Fraisou présente, à ses 3,6 millions d’abonnés sur Snapchat, une marque de cigarettes électroniques jetables, tout en prenant soin d’ajouter un lien vers le site de vente en ligne …

 Sur les réseaux sociaux préférés des jeunes, comme Snapchat, TikTok et Instagram, des influenceurs vantent ainsi les mérites de produits de vapotage, aux emballages colorés et aux arômes fruités. Le phénomène a pris une telle ampleur que le ministère de la Santé vient d’adresser un signalement au parquet. « La consommation par un public mineur se développe sous l’effet des pratiques de promotions cachées, déguisées, et de vente sur les réseaux sociaux, s’inquiète le ministère. Alors que la publicité, directe ou indirecte, en faveur du vapotage, comme pour le tabac, est interdite par le Code de la Santé publique » (voir 18 mars).

Seules des affiches publicitaires peuvent être installées dans les points de vente, sans être visibles à l’extérieur.

 Pourtant, les exemples de marques mises en avant sur les réseaux sont nombreux : WPuff, X-Bar ou Puffme. « Philipp Morris France en décembre 2021 et British American Tabacco en février 2022 ont été condamnés à Paris pour avoir fait de la pub illégale de leurs produits. Aujourd’hui, une nouvelle vague de marques spécialisés dans le vapotage jetable déroge, à leur tour, à la loi », explique Amélie Eschenbrenner, porte-parole du Comité national contre le Tabagisme  (CNTC / voir 4 décembre 2021 et 9 mars 2022). Son équipe surveille ces abus. Mais puisque les publications ne mentionnent jamais un quelconque partenariat, il s’avère difficile pour le CNTC de prouver que des marques en sont à l’origine. En lien avec les pouvoirs publics, l’association assure pour autant « réfléchir à engager des actions en justice » contre plusieurs sociétés.

 Contactée, la société French Bar, fabricant de la cigarette X-Bar, réfute toute collaboration rémunérée avec des influenceurs. « Comme Squeezie (7,6 millions d’abonnés), des influenceurs en parlent, car c’est un produit qui fait le buzz » répond son dirigeant Olivier Sarfati, qui reconnaît des liens occasionnels, « il nous arrive lors de lancements d’envoyer des produits à des influenceurs pour les faire connaître. »

Liquideo, l’entreprise française derrière WPuff, n’a pas souhaité répondre.

 Cyril Attias, fondateur d’agencedesmediassociaux.com, raconte avoir été contacté par une marque de vapotage. « Pour 100 000 euros, le deal était de placer des micro-influenceurs, voire des nano (moins de 10 000 abonnés), dans des événements et de faire la promotion des produits sur TikTok. Sur quatre agences contactées, nous sommes la seule à avoir décliné », jure-t-il.

•• Déjà épinglée par le passé pour de mauvaises pratiques, une partie de l’industrie de la boisson ne semble pas avoir retenu la leçon reprend Le Figaro  (…)

Ces derniers jours, des influenceuses aux millions d’abonnés, comme Noholita et LénaSitua-tions, ont pourtant publié dans un cadre festif une flopée de photos des bières Heineken, en prenant soin de mentionner la marque. Elles ont été conviées par le brasseur en Californie, pour profiter du soleil avant le festival de musique Coachella. Contacté, Heineken assure que ces invitations à des événements se font « dans un cadre non rémunéré et strict s’agissant de l’âge de l’audience de ces influenceurs ». À ce titre, « les influenceurs demeurent, de fait, libres de leur production éditoriale ».

 Une façon subtile de renvoyer la balle dans leur camp ? Franck Lecas, responsable du pôle loi Évin d’Association Addictions France, explique qu’il n’y a, bien souvent, pas besoin « d’apporter la preuve d’une transaction commerciale pour que la notion de publicité soit retenue par un juge et que les contenus soient supprimés ».

Il y a quelques jours, l’association a assigné en justice TikTok et Instagram afin qu’ils dévoilent l’identité du créateur des pages « Best-Riflon », qui font la promotion du pastis Ricard. Au courant de la procédure, Pernod Ricard nous assure n’avoir « aucun lien avec cette initiative, ni avec aucune autre similaire, qui est contraire à la législation ». Il regrette « l’impact négatif pour son image des détournements de la marque ».

Le tribunal rendra sa décision le 13 mai. Elle sera l’une des premières à s’appuyer sur les nouvelles dispositions sur la responsabilité des plateformes, adoptées en 2021 dans le cadre de la loi contre le séparatisme.

Le ministère de la Santé, qui assure classer ces problématiques de santé publique parmi ses « dossiers prioritaires », rappelle que les marques de vapotage et d’alcool qui font de la pub illégale s’exposent respectivement à des amendes de 100 000 et 75 000 euros.