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9 Mar 2022 | Profession
 

Ce 28 février, la 31ème chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris a condamné British American Tobacco France pour publicité illégale et propagande en faveur des produits du vapotage.

Cette décision au fond, après une première action devant le juge de l’urgence, marque les débuts de la construction d’une jurisprudence importante relative au vapotage face aux stratégies marketing agressives de l’industrie du tabac concernant ces produits, selon un communiqué du Comité national contre le Tabagisme (CNCT) que nous reprenons ci-dessous (voir 3 octobre 2020 et 8 octobre 2021).

Depuis 2015, BAT France a mis en place une vaste opération marketing en France en faveur de ses produits du vapotage de la marque « Vuse » (anciennement Vype) sur son site internet et sur les réseaux sociaux associées, en particulier Instagram.

•• Le CNCT avait constaté, outre l’absence de caractère informatif de plusieurs contenus, notamment des slogans accrocheurs, des descriptifs mélioratifs et des vidéos publicitaires faisant la promotion en ligne des produits Vype, également des méthodes de commercialisation intrusives à travers des mailings répétitifs envoyés aux consommateurs. Le CNCT estime que ces mentions sont d’ordre publicitaires, pouvant inciter le consommateur à essayer les produits, ce que les juges soutiennent dans leur décision.

En plus de constater le caractère illégal des publications sur le site internet visé, les juges déclarent illicite l’existence même d’une page Instagram faisant référence aux produits du vapotage :

« Sans même qu’il ne soit nécessaire de détailler en quoi les mentions de cette page doivent être caractérisées de publicités illicites, il y a lieu d’observer que si la vente de produits du vapotage est autorisée sur internet, la page instagram govypefr n’est pas une interface de vente du produit ».

•• Une page Instagram dédiée à la promotion d’un produit du vapotage est donc nécessairement une publicité et « doit être jugée comme illicite », sa seule utilité étant de diffuser le plus largement possible les publications successivement mises en ligne sur la page par l’utilisation de tous les mécanismes exponentiels de diffusion de l’information rendus possibles par les réseaux sociaux et largement exploités par les cigarettiers. C’est donc ce moyen de communication lui-même qui est illicite, indépendamment de son contenu.

Le tribunal souligne à ce titre la « bataille de communication » à laquelle s’est livrée le fabricant, démontrant s’il en était besoin que le profit généré par une telle campagne dépasse largement le risque pénal encouru.

Cette décision rappelle enfin que l’exception prévue pour les publicités sur les lieux de vente, notamment la présence des affichettes relatives aux produits du vapotage, disposées à l’intérieur des établissements ne s’applique pas à un site internet.

•• Le fabricant BAT France avait demandé de déclarer irrecevable l’ensemble des demandes du CNCT pour défaut du droit d’agir.

Dans sa décision, le tribunal a motivé de façon rigoureuse la recevabilité à agir de l’association en la matière, précisant que le législateur tient pour acquis que ces produits sont dangereux : « Le législateur, en faisant le choix d’assimiler dans un même titre répressif (titre premier du livre V du Code de la Santé Publique) intitulé « lutte contre le tabagisme » les produits du tabac et les produits du vapotage, confère logiquement et dans un souci d’efficacité de la politique de santé publique aux acteurs traditionnels de la lutte contre le tabagisme la possibilité de développer la lutte contre le vapotage, alors même que ce produit nouveau était inexistant à la date de rédaction de leurs statuts, et que ces derniers ne pouvaient avoir intégré cette mission à leur objet social au moment où l’édiction des interdictions était transposée en droit français. »

Ainsi l’habilitation contenue dans ce texte rend par elle-même recevable l’action civile du CNCT. 

Pour le Professeur Yves Martinet, président du CNCT, cette décision « est exemplaire et renforce une nouvelle fois la construction d’une jurisprudence pour réglementer de manière efficace le marketing autour des produits du vapotage ».