Elles ne sont pas vendues par paquets ni même par cartouches, mais par cartons. Voilà le constat inquiétant que la société Webdrone, une start-up spécialisée dans la détection de produits contrefaits sur le Net, a fait sur les cigarettes de contrefaçon.
C’est ainsi que débute un article du Parisien / Aujourd’hui en France de ce 24 janvier que nous reproduisons.
Pendant un an, à la demande du fabricant de tabac British American Tobacco (BAT), cette entreprise a étudié les ventes de cigarettes sur Internet, et plus précisément sur les réseaux sociaux Facebook et Snapchat. Des plates-formes dîtes « ouvertes » où les échanges peuvent être vus par tous mais où la vente de cigarettes, monopole des buralistes, est strictement interdite, d’autant plus si elles sont issues de la contrebande ou contrefaites.
•• Si, entre le premier semestre 2022, période à laquelle a été réalisée la première étude de ce type (voir 11 octobre 2022), et le premier semestre 2023, le nombre de publications qui proposaient des cigarettes à la vente a légèrement diminué, l’important est ailleurs.
« Cette baisse s’explique par le démantèlement d’ateliers clandestins en France mais aussi à l’étranger » décrypte Didier Douilly, directeur commercial de Webdrone, ancien gendarme spécialisé en cybercriminalité (voir 6 juin 2022). « À cette période, vous aviez des vendeurs qui indiquaient sur leur publication rupture de stock. Mais ce qui nous a le plus étonnés, c’est l’envolée des cigarettes de contrefaçon. Sur un réseau social comme Snapchat, elles représentent 90 % des ventes proposées. »
Au final, en 2023, selon l’étude, sur les 13 500 publications de vente de tabac sur Facebook et Snapchat, près de 39 % concernaient des cigarettes de contrebande, plus de 38 % des cigarettes de contrefaçon et le reste, 23 %, n’était pas classable. « C’est le prix qui nous permet de définir l’origine des produits » précise Didier Douilly, « une cartouche à 22 euros au lieu de 120 euros dans le commerce, c’est clairement de la contrefaçon. »
Des cartons se négocient à 1 200 euros sur les réseaux sociaux au lieu de 6 000 euros. « Certains vendeurs avertissent même qu’il faut acheter au minimum trois, voire quatre cartons » poursuit l’ancien gendarme. « Quand on sait que Snapchat s’adresse aux plus jeunes, et que certains vendeurs font passer des cigarettes contrefaites pour de la contrebande, que ces contrefaçons sont encore plus dangereuses pour la santé, tout cela est très inquiétant. »
•• Contactée, la Direction des Douanes estime que les dossiers d’ateliers clandestins sont peu nombreux sur le territoire national. Le premier a été démantelé en 2021. Depuis, quatre ont suivi. Auxquels il faut ajouter trois ateliers de tabac à narguilé.
Hasard du calendrier, lundi, les Douanes ont rendu publique l’interception, le 8 janvier, d’un véhicule en Saône-et-Loire sur l’autoroute A 39 avec, à son bord, toute la panoplie des composants permettant la fabrication de cigarettes de contrefaçon. Il transportait un compresseur et plusieurs moteurs mais aussi six tonnes de tabac, 33 cartons de filtres, dix rouleaux d’emballage aluminium ou encore une palette de planches d’emballage de paquets de cigarettes reprenant la marque Marlboro Rouge (voir 23 janvier).
•• Bref, la France, avec un paquet qui dépasse parfois les 12 euros depuis une nouvelle augmentation des taxes le 1er janvier, est une cible de choix pour les trafiquants. Une envolée qui agace profondément les fabricants. Et pour cause, leur manque à gagner en France pourrait avoisiner le milliard d’euros. « Facebook est devenu le premier buraliste de France » lâche, un brin provocateur, Vincent Zappia, responsable des affaires publiques chez BAT, « en plus, il est ouvert 24 heures sur 24. »
« En 2023, nos ventes en volumes ont baissé de 8,2 % en 2023 » appuie Philippe Coy, président de la Confédération nationale des buralistes. « Et ce n’est pas parce que les Français fument moins. Facebook et les autres ont les moyens d’empêcher ces ventes, mais ils ne le font pas. »
Et les deux hommes de pointer « le mépris » de Facebook. Quant à porter plainte ? « Nous privilégions le dialogue » répond Vincent Zappia. « Et je ne suis même pas sûr qu’une plainte aboutirait. Il faudrait changer la loi et rendre davantage responsable Meta, la maison mère de Facebook, responsable des contenus publiés. »
Contacté, Meta renvoie vers ses conditions d’utilisation, qui interdisent « d’acheter ou vendre des produits liés au tabac ». Quant à Snapchat, la plate-forme indique qu’« acheter ou vendre des cigarettes ou des produits illégaux est strictement contraire à nos règles (…). Nous supprimons les contenus et les comptes en infraction lorsque nous les détectons. » Tout en rappelant que Snapchat doit respecter la confidentialité des communications. « Nous ne voyons pas et n’avons pas accès au contenu. »
« Il y a un an, Gabriel Attal a lancé un grand plan de lutte contre la vente illégale de tabac » rappelle Philipe Coy. « Son successeur, Thomas Cazenave, nous a confié qu’un renforcement des mesures était prévu. On attend maintenant que le nouveau ministre des Comptes publics soit nommé. »