Second volet du reportage sur la contrebande de cigarettes de France 3 Provence-Alpes (voir 23 janvier) qui a pu pénétrer dans ce laboratoire à Marseille où sont analysées les cigarettes saisies par les Douanes en France. Son rôle : identifier les contrefaçons.
C’est un lieu tenu secret à Marseille. Sur la devanture, aucune indication, ou presque. Une plaque mentionnant le « laboratoire de Marseille ».
Ce lieu dépend du ministère de l’Économie et des Finances. Il s’agit de l’un des 12 laboratoires d’analyse des Douanes françaises, nommé service commun des laboratoires On y teste aussi bien les jouets de Noël, le miel, l’huile d’olive, les stupéfiants, mais aussi le tabac de contrebande. Direction le troisième étage …
•• Dans une grande salle, se trouvent au moins dix machines disposées sur des paillasses. Des tubes à essais, des béchers. Et de nombreux ordinateurs. C’est ici que sont décortiquées les cigarettes. « Le rôle de ce laboratoire, c’est de mettre en évidence, ou non, des suspicions de contrefaçon par rapport à des paquets authentiques », explique Vincent Lacaziau, responsable du domaine scientifique de l’analyse des stupéfiants et des tabacs au laboratoire de Marseille.
Sur le chariot préparé pour illustrer son explication, sont disposés une dizaine de paquets de cigarettes. Tous des Malboro rouge. Parmi ces paquets, des cigarettes authentiques issues de contrebande, d’autres de la contrefaçon. Pour repérer les « fausses », les scientifiques suivent un protocole précis s’articulant autour de trois étapes. D’abord l’analyse du paquet, ensuite la cigarette et enfin le tabac.
•• Le scientifique compare en premier lieu deux paquets de Malboro rouge. « La première chose que l’on peut observer, c’est la présence d’une vignette fiscale. On remarque également une définition du logo qui n’est pas la même. On observe des différences de couleur au niveau du rouge ».
Le scientifique éclate ensuite le paquet et l’aplatit. « Cela nous permet de vérifier plusieurs choses : les dimensions d’ouverture, mais aussi les points de colle. Ils ne sont pas positionnés au même endroit, ils sont plus industriels sur les paquets authentiques, plutôt grossiers sur cette contrefaçon », détaille-t-il, le paquet à la main.
Puis, direction vers une petite salle au bout du couloir. Le paquet y est pris en photo à plat, puis analysé à l’ordinateur. « Le logiciel permet de travailler pixel par pixel pour voir si le rouge se retrouve uniformément sur le paquet. Ici, il y a une assez bonne uniformité, ce qui laisse penser qu’il ne s’agit pas d’un paquet de contrefaçon ».
« Dans un deuxième temps, nous comparons la composition de ce rouge par rapport au rouge que l’on retrouve sur les paquets authentiques. Ce travail-là, nous le faisons sur toutes les couleurs qui sont référencées sur le paquet » poursuit-il.
•• Pour la deuxième étape, le laboratoire va d’abord vérifier la présence du dispositif d’auto-extinction (obligatoire dans l’union européenne depuis 2011). Il s’agit d’un anneau de papier inséré à deux ou trois endroits du cylindre. Le papier est moins micro-perforé, ce qui a pour conséquence de freiner la circulation de l’air.
Puis les scientifiques vérifient la taille et la composition du filtre : « celui-ci est bien défini pour chaque modèle et chaque marque de cigarettes ». C’est à présent l’heure de la dissection. La cigarette est étendue sur la paillasse. Vincent Lacaziau se munit d’un scalpel et l’ouvre dans le sens de la longueur. Le tabac est alors étalé sur une feuille blanche. « On peut avoir ici une première approche à l’œil nu, mais ces indices ne participent pas à l’établissement de notre rapport. Ici, le tabac ressemble assez bien à ce qu’on doit retrouver sur une cigarette authentique », note-t-il. Ce sont les machines qui vont ensuite parler.
•• Ultime étape, l’analyse chimique du tabac : « nous allons vérifier les différentes molécules volatiles ainsi que les minéraux et les métaux qui sont contenus dans le tabac, puis nous les comparons à une base de données, décrit-il. Sur deux échantillons différents, on ne voit pas les mêmes molécules, et les quantités sont différentes ».
L’analyse du paquet de cigarettes touche à sa fin. Toutes les informations ont été rentrées dans la base de données du laboratoire. Les scientifiques peuvent désormais produire un rapport étayé.
« Pour un paquet authentique, il n’y a qu’une seule façon de faire. Pour une contrefaçon, il y a 1000 voies différentes. C’est pour ça qu’on vérifie un maximum de données » conclut Vincent Lacaziau