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23 Jan 2024 | Trafic
 

Dans la cité phocéenne, il n’est pas difficile de se procurer des cigarettes à moitié prix. France 3 Provence-Alpes a pu le constater au marché aux puces des Arnavaux (15ème arrondissement), haut-lieu de la contrebande ouvert 6 jours sur 7.

En caméra cachée, une journaliste s’est mise dans la peau d’une acheteuse qui n’a pas l’habitude de se fournir sur le marché parallèle. Extraits du reportage diffusé ce 21 janvier.

•• Il est plus difficile de trouver une place de parking qu’un paquet de cigarettes aux puces des Arnavaux (voir 18 février 2023) … Après plusieurs tours et demi-tours périlleux, nous trouvons enfin quelques mètres carrés de libres. Nous osons une ultime marche-arrière, guidée par un vendeur magnanime, tout en évitant de renverser son étal de cigarettes.

Notre « assistant créneau » a son petit commerce, dehors, à quelques mètres du parking. Son stand, ce sont plusieurs cageots en plastique vides empilés, un carton présentant les paquets de cigarettes sur le dessus. Il nous donne les prix des différents paquets : 5 euros, 6 euros, 7 euros.

Le plus cher vient d’Algérie, selon lui. C’est « original », nous assure-t-il. Celui à 6 euros, c’est « moitié-moitié », des cigarettes « italiennes », du tabac « moyen ». Les moins chères, il ne les conseille pas. « Elles viennent de Belgique ». D’un geste clair de la main, il nous fait comprendre que ce sont les plus fortes. Lui, fume les Algériennes.

Un peu plus loin, un autre vendeur, les mêmes prix. Puis encore un autre. Des dizaines de mini-bureaux de tabac illégaux sont installés à une vingtaine de mètres les uns des autres. Personne ne tente de nous alpaguer avec insistance. Pas de « Marlboro, Marlboro » seriné à notre passage, comme c’est le cas par endroit. Ici, les vendeurs de cigarettes sont comme les vendeurs de fruits. Ils attendent derrière leur étal, et renseignent le client qui se rapproche. Des contrebandiers décomplexés (…)

•• Nous entrons à présent dans le marché couvert. Dans une des allées, deux jeunes hommes sympathiques nous présentent les différents paquets quils proposent. « Dites-nous ce quil vous fallait ». Nous lui livrons alors nos craintes quant au goût. Le jeune vendeur nous explique que tout dépend des paquets, « il y a du fort et du moins fort ». Dans son inventaire, il y a des Belges, des Polonaises aussi. Lui, fume des « originales », « celles d’Italie ».

« Faites un petit tour et revenez ». Pas insistant, lui non plus. Pas de cigarettes sous le manteau, pas de précipitation. Nous demandons à notre jeune interlocuteur si c’est lui le patron. « Non, jaide, juste » Son « patron » opine du chef, un peu plus loin, accoudé à un stand de fruits et légumes. Pas encore décidés à acheter, nous poursuivons nos courses.

Entre les épices et les dattes, un vendeur nous propose des cigarettes « pour les filles ». Des Italiennes, fines, des Winston bleu. Un collègue le rejoint. Les deux hommes certifient la qualité des Polonaises et des Espagnoles. Des Marlboro light algériennes également. Les prix sont les mêmes qu’au tout premier stand. 5, 6, 7 euros. Un paquet de 4 euros de Belgique, mais il nous le déconseille. Décidément, le plat pays n’a pas la cote aux Arnavaux. « Cest plus lourd, plus fort ». Rien à voir avec « le vrai tabac algérien » qu’il nous propose alors de goûter.

•• Paquet banalisé aux photos chocs, paquets duty free, paquet classiques… Impossible, en regardant les paquets, didentifier les « vrais » des « faux ». Ce sont pourtant deux catégories bien différentes. Car il y a les cigarettes de contrebande et de contrefaçon (…)

Tout d’un coup, des voix s’élèvent. En quelques secondes, des cartons de cigarettes sont glissés sous les stands de fruits. Police ou fausse alerte ? Nous n’avons pas vu d’agents entrer dans le marché couvert, mais les vendeurs sont rodés à l’exercice A Marseille, les saisies de tabac de contrebande sont quotidiennes. Que cela soit ici, en ville, au port, à l’aéroport, les alimentations, les bars à chichas ou le fret commercial.

La brigade « Clopes » de la police de la division Nord quadrille tous les jours la ville. Une unité créée en 2019 composée de 7 fonctionnaires de police détachés spécialement pour la lutte du trafic de cigarettes de contrebande.

•• Au moment de l’achat, nous demandons à qui nous devons donner l’argent. : « cest pareil, la même famille ». « Tous les gens sont ensemble ici », déclare-t-il en montrant de la main tout le marché, « on est comme des frères ». Malgré la multitude de vendeurs de cigarettes, on ne sent aucune animosité. En apparence, personne n’essaie de « piquer » le client de l’autre.

Avant de retrouver notre voiture bien garée, nous repassons devant le premier stand, en face du parking. Le vendeur n’a pas bougé. « Je suis là tous les jours, de 8 heures à 16 heures ». Il explique qu’il vient d’Algérie, qu’il travaille ici depuis quelques mois seulement. Que c’est la galère, mais qu’il gagne de quoi vivre. (Voir 12 janvier 2024, 6 octobre et 6 septembre 2023)