Le rapport KPMG met en avant l’explosion du commerce illicite (voir 28 juin). Les antitabac y voient une manœuvre pour limiter la hausse de la fiscalité (voir ci-dessous). Extraits de l’article du Figaro consacré au sujet sous la plume de Keren Lentschner.
C’est un phénomène sans précédent dans l’Hexagone.
Près de 40 % de la consommation de cigarettes provenait l’an passé du marché parallèle, c’est-à-dire en dehors du réseau des buralistes, contre 35 % en 2021. Si l’on met de côté les achats effectués dans les pays frontaliers, la contrebande et la contrefaçon représentaient à elles seules, l’an passé, près d’un tiers des achats. Ce qui fait de la France le plus mauvais élève de la classe européenne.
•• Ces chiffres proviennent du rapport annuel du cabinet KPMG qui livre depuis 2006 une photographie du commerce illicite de tabac en Europe (…) Un rapport qui fait polémique, car c’est Philip Morris, propriétaire de Marlboro, qui le finance.
Le cigarettier, qui a fait le vœu d’un « monde sans fumée » mais dont deux tiers des ventes proviennent encore du tabac, déplore que le prix du paquet de cigarettes ait franchi en 2020 la barre des 10 euros, « le double du prix pratiqué par les vendeurs de cigarettes à la sauvette ».
Il dénonce les effets de la hausse de la fiscalité sur la contrefaçon. « Avec 15,4 % de la consommation totale, là où elle n’était que de 0,2 % en 2017, le recours à la contrefaçon par les fumeurs dessine une tendance de fond d’autant plus inquiétante avec l’apparition d’usines de contrefaçon sur le sol français », commente Philip Morris (voir 29 juin).
•• Cette analyse est balayée d’un revers de la main par les antitabac. Ils dénoncent d’abord le manque d’indépendance du rapport KPMG mais aussi l’opacité et l’imprécision de la méthodologie utilisée qui consiste à ramasser des paquets vides dans la rue (« Empty pack survey »), puis à les recenser.
« Où ramassent-ils ces paquets, à quelle période de l’année? Les grandes villes ne sont-elles pas surreprésentées? N’incluent-ils pas les cigarettes consommées par des touristes ou achetées légalement à l’étranger par des Français? Il y a de nombreux biais méthodologiques qui expliquent que le commerce illicite soit surestimé », regrette François Topart, chargé de recherche au Comité national contre le Tabagisme (CNCT), qui évalue à 17 % les ventes de tabac en dehors du réseau des buralistes.
« Ces sources sont jugées fiables par les autorités de police et de douane à travers l’Europe », répond Grégoire Verdeaux de PMI, « il vaut mieux se confronter à la réalité plutôt que de chercher des moyens de la minimiser. »
•• Concernant l’analyse du marché faite par KPMG, les antitabac déplorent le parti pris idéologique des cigarettiers qui consiste à dénoncer en priorité la contrefaçon. « Ils n’ont aucun intérêt à pointer du doigt la hausse de la contrebande » estime François Topart, « depuis le début des années 2000, ils sont tenus pour responsables par les pouvoirs publics de s’assurer que leurs produits ne basculent pas dans la contrebande. »
Le CNCT les accuse par ailleurs de surapprovisionner les marchés transfrontaliers (Luxembourg, Andorre…). «Pour écouler le nombre de cigarettes livrées au Luxembourg, il faudrait que chacun des habitants en consomme 14 par jour!», déclare François Topart.
•• La publication du rapport KPMG intervient alors que le Projet de loi sur les Douanes est examiné à l’Assemblée nationale (voir 23 juin).
Dans ce texte, qui devrait renforcer les moyens contre le trafic de tabac, des amendements ont été déposés visant à confier l’évaluation de l’ampleur du marché parallèle de tabac et des pertes fiscales à la Direction générale des Douanes et des Droits indirects, rattachée à Bercy. Une initiative soutenue par les antitabac.