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15 Mai 2023 | Profession
 

Analyse du Figaro – dans son édition du 13 mai – sur la baisse drastique de la consommation de tabac quotidienne chez les mineurs et leur conversion à la cigarette électronique. Extraits de l’article signé par Angélique Négroni.

(…) Ne pas fumer serait presque un acte politique. « C’est en tout cas une façon pour eux de se démarquer des générations précédentes qu’ils accusent de leur laisser un piètre héritage : un monde totalement pollué », affirme la sociologue Claudine Attias, spécialiste des rapports entre générations (Auteur du livre « Avoir 20 ans en 2020 »).

Outre le prix de plus en plus élevé du paquet, cette volonté de vouloir protéger leur environnement et leur propre santé serait aujourd’hui l’une des raisons du recul du tabagisme chez les adolescents.

•• Dans son étude portant sur la catégorie des 17 ans, l’Observatoire français des Drogues et des Tendances addictives (OFDT) révèle que les niveaux d’expérimentation (au moins une cigarette au cours de sa vie) sont passés l’an dernier à 46,5 % alors qu’ils culminaient à 59 % en 2017 (voir 9 mars).

Quant à la consommation quotidienne, elle a chuté de 10 points : 15,6 % en 2022 contre 25,1 % cinq ans plus tôt. Chez les élèves de troisième, le constat est identique.

Une autre étude indique que, en 2010, 51,8 % des 14-15 ans affirmaient avoir testé la cigarette. En 2021, ils n’étaient plus que 29,1 %.

Annoncé dans les prochaines semaines, un nouveau plan antitabac, couvrant la période 2023-2027, devrait proposer de nouvelles mesures pour tenter de faire décrocher un plus grand nombre de jeunes encore (voir 3 mai). CNCT

•• (…) Si des progrès restent à faire, ces résultats encourageants livrés par l’OFDT marquent un tournant : la cigarette ne fait plus rêver comme avant … À coups d’interdictions imposées par plusieurs lois, la cigarette a peu à peu disparu du paysage : du septième art, des affiches, des transports en commun… Lucky Luke a perdu sa «clope», Jacques Tati sa pipe et, dans les longs-métrages, plus question de fumer comme dans les films de Sautet (…).

Contre cette « tige » jugée ringarde par une partie de la jeune génération, les associations anti-tabac tentent aujourd’hui de lui faire définitivement un sort. En surfant sur ce qui préoccupe les jeunes : l’environnement.

Lancée en juin prochain, la campagne d’Alliance contre le Tabac sera ainsi principalement axée sur les méfaits environnementaux de l’industrie du tabac. « Auprès de cette génération, il faut changer la façon de parler du tabagisme. On sait tous que fumer tue. Or l’enjeu n’est pas que sanitaire mais sociétal et l’industrie du tabac n’a pas sa place dans notre monde de demain » explique sa directrice, Marion Catellin.

•• Malgré ces avancées, l’objectif que s’est fixé le gouvernement d’une génération sans tabac – ceux nés après 2014 – à l’horizon 2032, sera bien difficile à atteindre. Car si l’on regarde, cette fois, la bouteille à moitié vide, il reste encore un socle dur de fumeurs parmi les moins de 18 ans, notamment parmi les classes sociales les moins favorisées. Les données de l’étude de l’OFDT chez les 17 ans sont sans appel.

Elles « confirment des niveaux d’usage fréquent plus importants parmi les adolescents en apprentissage et ceux sortis du système scolaire par rapport aux élèves scolarisés dans le secondaire »», est-il écrit.

La cigarette serait-elle de plus en plus un marqueur social ? Pour Yves Martinet, président du Comité national contre le Tabagisme, cela ne fait aucun doute. « Et c’est encore plus visible en Grande-Bretagne où la cigarette est plus encore associée aux couches sociales défavorisée », souligne-t-il.

•• De nombreux jeunes aujourd’hui se rabattent sur un autre mode de consommation : la cigarette électronique fait aujourd’hui fureur parmi les moins de 18 ans. Il n’y a qu’à se rendre aux portes des lycées pour voir l’étendue du phénomène.

Devant les grilles des établissements, bon nombre d’élèves vapotent, selon un large éventail de modèles. Parmi eux, les «pods», qui utilisent des cartouches pour produire de la vapeur, ou encore la « Puff » arrivé en France il y a deux ans. Sur ce marché en plein boom, les fabricants rivalisent de designs, de couleurs et d’arômes plus attractifs les uns que les autres. (…)

Les associations comme le CNCT dénoncent d’ailleurs ces diverses entorses au règlement et s’inquiètent de cet usage auprès des jeunes. « Dans les puff, il y a deux fois plus de nicotine que dans une cigarette, et parfois cinq fois plus quand le produit vient de Chine », décrit la responsable de communication du CNCT, Amélie Eschenbrenner.

Fléau sanitaire pour beaucoup, cette cigarette jetable, qui fait un tabac chez les adolescents, serait aussi un fléau environnemental. En plastique et avec une batterie au lithium, elle est un véritable déchet toxique. C’est précisément pourquoi un collectif de plus de vingt personnalités – médecins, tabacologues et défenseurs de l’environnement – a récemment demandé son interdiction pure et simple. En début du mois, le ministre de la Santé, François Braun, s’y est d’ailleurs dit «favorable» (voir 3 mai 1 et 2).

•• Mais la mesure figurera-t-elle dans le prochain plan antitabac ? Un bannissement qui est pourtant loin de faire l’unanimité.

Face à la « Puff », deux camps s’affrontent. Pour les uns, en plus d’être nocive à la santé des jeunes, elle est un marchepied permettant le retour au tabagisme. Pour d’autres au contraire, elle reste infiniment moins dangereuse et doit, à ce titre, continuer d’être proposée comme une alternative à la cigarette. Photo : Arnaud Castagne / Est Républicain