Dans La Croix, Roland Héguy (UMIH / Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie) analyse ces premiers jours de mise en œuvre du pass sanitaire (voir 11, 10 et 9 août) dans les CHR.
Extrait de l’interview.
• La Croix : Quel est l’état d’esprit des restaurateurs et des cafetiers en ce premier jour du pass sanitaire obligatoire pour leurs établissements ?
Roland Héguy : Nous vivons un jour inédits qui nous inquiète. Si nous sommes conscients que le pass sanitaire est l’outil qui peut nous éviter une nouvelle fermeture, ce n’est pas notre métier de contrôler nos clients en leur demandant de présenter cette attestation. Notre travail normal, c’est de tout faire pour les accueillir et leur permettre des moments de convivialité.
Avec la majorité des Français et des touristes étrangers, nous ne devrions pas avoir trop de problèmes. Mais je m’inquiète quand même car il y aura sans doute des provocations de la part d’opposants au passe sanitaire. Je ne sais pas comment ils pourront être gérés, sinon en appelant les forces de l’ordre.
• On a beaucoup évoqué les terrasses …
R. H. : C’est sur ce point que les conséquences devraient être les plus complexes à gérer. Il va être très compliqué de filtrer leur accès surtout en pleine saison où les flux sont importants. Chaque professionnel, selon son environnement, va devoir trouver des solutions mais, par exemple, en bord de mer, je ne vois pas vraiment comment empêcher quelqu’un de s’asseoir en extérieur avant de lui demander son pass.
Nous sommes d’ailleurs assez amers sur ce point, alors que nous avions négocié jusqu’à la fin juillet avec le gouvernement et avec les députés et sénateurs. Nous ne sommes cependant pas résignés et espérons que l’exécutif enlèvera les terrasses du dispositif.
• Pensez-vous que le pass sanitaire aura des répercussions économiques ?
R. H. : Oui, nous nous attendons à une baisse de fréquentation de 15 à 20 % de nos établissements, restaurants et cafés. Un récent sondage d’opinion a montré que plus de 40 % des Français envisageaient ne plus se rendre au restaurant pendant leurs vacances une fois le pass sanitaire devenu obligatoire. Cela ne ferait qu’augmenter la pression économique sur notre secteur qui a payé un lourd tribut à la crise. Nous avons été les premiers confinés et parmi les derniers à rouvrir.
Nous devons à nouveau rencontrer le gouvernement fin août pour évoquer les défis de notre profession. Pour l’instant, les aides économiques ne sont décidées que jusqu’à la fin du mois. Nous demanderons qu’elles soient prolongées jusqu’à la fin de la crise.
• Que va-t-il se passer avec vos salariés lorsqu’ils devront être porteurs d’un pass sanitaire ?
R. H. : Ils devront en effet l’être au 30 août, ce qui règle heureusement en grande partie le problème pendant le mois d’août, notamment avec les saisonniers. Mais ce sujet aussi nous plonge dans l’inconnu tant il y a de flous juridiques sur les questions liées aux contrats de travail.
Nous allons être confrontés à un risque de détérioration des relations de travail, tant entre les patrons et leurs salariés qu’entre les salariés eux-mêmes. Dans leur grande majorité, nos équipes acceptent de se faire vacciner. Nous avons organisé des réservations de créneau qui ont eu un grand succès. Mais certains ne veulent pas et contestent même le principe du pass sanitaire, au risque de tensions avec leurs camarades.
L’autre problème, c’est la tension sur les effectifs. Avant la crise, il nous manquait 100 000 personnes. Depuis un an et demi, 100 000 autres sont parties, beaucoup vers d’autres métiers. Je ne me souviens pas d’un autre été où autant de professionnels ont été contraints de décider d’autant de jours de fermetures, manque de personnel oblige. Comment ferions-nous pour supporter d’en perdre encore ?