Il y a deux ans à peine, s’implantaient dans l’Hexagone une douzaine de start-up de toutes nationalités, promettant aux consommateurs une livraison de courses à domicile en moins de 15 minutes (voir 15 et 8 septembre, 7 mai 2022).
Sur la quinzaine de start-up sur la ligne de départ en 2021, il n’en reste que deux, qui ont avalé leurs concurrents : l’allemand Flink et le turc Getir, propriétaire de Gorillas et de Frichti.
Getir a demandé le 20 avril son placement en redressement judiciaire. Décryptage du Figaro.
•• Publicités géantes dans le métro, recrutement de salariés à prix d’or, remises généreuses pour conquérir les clients : les start-up n’ont pas lésiné sur les moyens pour développer le marché de la livraison de courses express en France. L’argent ? Il coule à flots des poches des investisseurs, séduits par les perspectives de développement du commerce en ligne post-Covid. Rien qu’en 2021, quelque 6 milliards d’euros …
Mais, le marché s’est contracté après cette période faste post-Covid. Le quick commerce représentait 12 % des ventes de la livraison à domicile en 2022 selon NielsenIQ, et même 25 % en Île-de-France. C’est aujourd’hui 8 %, en incluant les courses livrées par Uber Eats ou Deliveroo.
« Les ventes baissent fortement depuis six mois » constate Daniel Ducrocq, directeur du service distribution chez NielsenIQ.« Les quick commerçants avaient une stratégie d’acquisition de clients très agressive. Ils pouvaient proposer 10 euros de bon d’achat pour une commande », poursuit-il. De telles dépenses plombent encore aujourd’hui les comptes de Gorillas alors même que la faiblesse du panier moyen rend leur activité difficilement rentable.
•• En 2021, les quick commerçants venus d’Allemagne, de Turquie ou des États-Unis balayaient par ailleurs d’un revers de la main les spécificités du marché français. À tort.
« Le nombre de supérettes de proximité y est plus grand qu’ailleurs et la concurrence plus rude » analyse Paul Lê, cofondateur de La Belle Vie, qui livre les clients en Île-de-France. « Les Français sont habitués à avoir du choix, et ils cuisinent des produits frais qui sont coûteux et compliqués à opérer.»
Le Gouvernement a porté le coup de grâce à ces start-up en durcissant les règles d’installation des « dark stores ». Ils ne peuvent plus s’implanter dans des locaux commerciaux.
•• Alors, est-ce la mort du quick commerce? Pas si vite.
À New York, Getir a ouvert ses « dark stores » aux clients, de façon à échapper à l’interdiction municipale. En pratique, aucun client ne s’y rend, mais cette possibilité suffit à faire des entrepôts de Getir de véritables commerces du point de vue réglementaire. Le turc ne compte d’ailleurs pas abandonner le marché français, mais plutôt profiter de son redressement judiciaire pour réduire ses coûts à vitesse grand V. Depuis les acquisitions de Gorillas et de Frichti, le parc de Getir est surdimensionné.
•• Finalement, les gagnants de la course de quick commerce ne sont pas forcément ceux que l’on attendait. La moitié de la livraison de courses express est aujourd’hui réalisée par les distributeurs traditionnels, en partenariat avec Uber Eats ou Deliveroo.
Carrefour, qui vient d’étendre son partenariat Uber, est persuadé que ce marché a de l’avenir. « Il y a une demande structurelle pour la livraison express » estime Élodie Perthuisot, directrice du digital à Carrefour, « chez nous, elle est d’ailleurs toujours en croissance depuis le début de l’année » (voir 4 novembre 2022).