Une fenêtre sur l’actualité quotidienne de tous les événements liés directement ou indirectement au tabac
19 Mai 2021 | Profession
 

Au tour de l’éditorialiste économique de RTL, Martial You, d’apporter son regard sur la diversification des cigarettiers particulièrement abordée dans les médias depuis une semaine (voir 18, 16 et 6 mai). Nous reproduisons intégralement sa chronique de ce 18 mai.

« Fumer tue … le business. Le monde du tabac est obligé de repenser totalement sa stratégie. Pour des raisons de marketing mais aussi pour des raisons sociales et pour des raisons financières. Aujourd’hui, on ne fume pas moins dans le monde mais on ne veut plus voir de fumeurs. Cela veut dire que les cigarettiers vont faire autre chose que de la vente de cigarettes … 

•• L’industrie du tabac cherche un nouveau modèle. Philip Morris International, la maison-mère de Marlboro, a investi dans une start-up israélienne qui produit une machine distribuant du cannabis thérapeutique aux malades. C’est anecdotique encore mais ce qui est certain, c’est que les géants du tabac sont en train de sortir progressivement de ce marché traditionnel.

Aujourd’hui, 25% des revenus de Philip Morris proviennent du vapotage … D’ici dix ans, cela devrait représenter la moitié du chiffre d’affaires.

Le groupe se diversifie aussi dans le milieu médical en finançant de la recherche pour permettre de prendre les médicaments comme l’aspirine en aérosol et non en comprimé. Être un géant du tabac implique de connaître parfaitement le système respiratoire … c’est un peu cynique comme approche mais c’est vrai. 

•• La consommation de tabac progresse tout simplement parce que la population mondiale augmente, même si les ventes globales de tabac classique stagnent. Le marché se déporte vers les alternatives comme la e-cigarette ou le tabac à chauffer qui ne fait pas de fumée.

Mais ce qui est intéressant, c’est pourquoi abandonner le tabac quand on est un cigarettier. Ça en dit long sur l’évolution des attentes de l’opinion publique et des consommateurs.

•• Le tabac n’a pas toujours été mal vu. À la sortie de la guerre, c’était même viril de fumer. Simplement, depuis, on a démontré la nocivité des cigarettes : 8 millions de décès dans le monde chaque année selon l’OMS. Il y a des procès coûteux. Il y a de plus en plus de pays qui veulent interdire purement et simplement le tabac avec des législations de plus en plus dures et des prix du paquet qui flambent : Australie, Nouvelle Zélande, Irlande… même aux États-Unis, on veut réduire le niveau de nicotine et l’accès aux cigarettes mentholées. 

•• Et puis, il y a surtout une image qui ne passe plus auprès des investisseurs.

Les géants de la cigarette ont toujours très bien rémunéré leurs actionnaires en dividendes mais, aujourd’hui, malgré cela (et malgré des dividendes un peu en baisse c’est vrai) … Aujourd’hui, les grands fonds veulent du développement durable, de l’éthique et ne veulent plus financer les activités liées aux hydrocarbures ou au tabac.

Avant, il fallait être rentable pour être éthique … aujourd’hui, il faut être éthique pour être rentable et décrocher des financements. Le tabac est devenu politiquement ET économiquement incorrect. La mutation est brutale et rapide, c’est un peu le DieselGate version nicotinée. »