Les parieurs en ligne ne boycottent pas la Coupe du monde au Qatar. Le tournoi pourrait même s’arroger le record des paris sportifs effectués via Internet … Sur une double page, Le Parisien revient sur le démarrage en flèche des mises sur le Mondial (voir 27 novembre).
Selon un sondage réalisé avant le début de la compétition, 36 % des Français ont l’intention de miser de l’argent sur les rencontres. La tendance s’amplifiera si les Bleus vont loin dans le tournoi, prévient l’Autorité nationale du Jeu (ANJ).
•• Selon elle, l’ensemble des mises effectuées auprès des grands opérateurs agréés (Winamax, Unibet, Zebet, ParionsSport, …) devraient atteindre au moins 600 millions d’euros.
Les premiers chiffres donnent le tournis. Lors de l’entrée en lice face à l’Australie, 15 millions ont été joués. Soit quasiment le double du match opposant les deux mêmes équipes lors de la Coupe du monde 2018, qui se jouait en Russie ! Même si France-Danemark n’a totalisé « que » 13,5 millions, le tournoi a pour l’instant généré, en tout, 200 millions, et il reste … trois semaines.
« Les spécialistes ne s’y attendaient pas », confirme Isabelle Falque-Pierrotin, la présidente de l’ANJ.
•• La compétition « présente tous les ingrédients pour développer un risque de jeu excessif : c’est un événement sportif de premier niveau, il y a toujours une insistance publicitaire des opérateurs et, surtout, on met en place une gratification commerciale pour attirer de nouveaux joueurs », déplore Isabelle Falque-Pierrotin.
Comment éviter les dérapages ? L’accent a été mis par les autorités sur la lutte contre le déferlement publicitaire.
« On ne veut pas reproduire les erreurs du dernier Euro », poursuit la présidente de l’ANJ. À cette époque, certaines sociétés de paris en ligne avaient déclenché la polémique en multipliant les opérations de promotion un peu partout mais surtout, sur les réseaux sociaux, en s’appuyant sur quelques influenceurs très suivis. Leur cible de choix : les jeunes des quartiers populaires.
« Ce sont des victimes fragiles financièrement, donc désireuses de gagner un peu d’argent. Mais dont la surenchère de jeu peut mettre toute une famille en difficulté, d’autant que, pour plusieurs raisons, parfois culturelles, parler du jeu à ses proches est tabou », note Armelle Achour, présidente de SOS Joueurs. À tel point que le département de Seine-Saint-Denis vient de lancer une campagne locale de prévention sur le sujet, en détournant les codes des campagnes officielles.
•• De son côté, l’ANJ assure avoir sommé les grands opérateurs de se modérer, en leur faisant signer une charte (voir 14 novembre). Parmi les objectifs : trois spots au lieu de quatre dans chaque tunnel publicitaire.
L’autre obligation concerne les influenceurs, ces personnalités mises en avant pour inciter les gens à parier. « Pour veiller à ce que leurs messages ne soient pas vus par les mineurs, il est interdit de faire appel à des influenceurs dont l’audience comporte plus de 16 % de moins de 18 ans », développe Isabelle Falque-Pierrotin.
Le risque est bien de créer toujours plus d’addicts aux jeux d’argent. Reste à savoir si le deal sera respecté jusqu’au bout. Car la charte ne prévoit aucune sanction pour ceux qui s’en éloignent, précise le service communication de l’ANJ.
•• Qu’en disent les opérateurs ? Pour Juliette de la Noue, la porte-parole de l’Afjel (Association Française des jeux en ligne) qui en regroupe dix-sept, c’est un mauvais procès. « Nous n’avons aucun intérêt à ce que les joueurs deviennent problématiques, puisque leurs comptes ferment. Ce que nous souhaitons, c’est plus de joueurs, qui misent de petites sommes », explique-t-elle, ne cachant toutefois pas l’idée qu’une Coupe du monde va leur permettre de « recruter » de nouveaux joueurs. Photo : Le Parisien / Istock