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4 Mai 2024 | Trafic
 

Dans La Montagne, est parue une interview de Daniel Bruquel – chef du service prévention du commerce illicite chez Philip Morris France – (voir aussi 5 septembre et 30 juin 2023) qui souligne l’importance de l’affaire de stockage de cigarettes de contrefaçon qui a été jugée au tribunal de Cusset cette fin de semaine (voir 2 mai et ci-dessus).

•• La Montagne : quel est votre rôle ?

Daniel Bruquel : cest travailler à la réduction des trafics en France ( notamment la contrefaçon de cigarettes ), de cerner les phénomènes, de les comprendre, de les quantifier, et dapporter un support technique aux enquêteurs, sur lidentification des produits. Et être partie civile sur les procès, comme celui de Cusset. 

•• La Montagne : ce procès concerne une grosse saisie, avec 68 000 cartouches ?

Daniel Bruquel : le volume nest effectivement pas anodin. Cela représente 18 tonnes de tabacs de contrefaçon selon le calcul des douanes. Douanes qui en ont saisi 521 tonnes en 2023, et 640 tonnes en 2022. Quand les Douanes parlent de 521 tonnes, ce sont à la fois les cigarettes, les cigarettes de contrefaçon, le tabac à narguilé … Au-delà de cette saisie intéressante, cest surtout le démantèlement dun réseau de grossistes qui alimentaient la région Auvergne Rhône-Alpes …

•• La Montagne : … un réseau qui sera peut-être remplacé par un autre ?

Daniel Bruquel  : c’est une sorte de jeu du chat et de la souris. Aujourdhui, le prix des cigarettes est très élevé en France, un paquet, cest entre 12 et 12,50 euros. Avec une forte proportion de taxes qui augmentent régulièrement tous les ans, et la perspective de dissuader les fumeurs de continuer … ce qui ne fonctionne pas au final.

Aujourdhui, on est toujours à environ 25 % de consommateurs de tabac, ce qui fait que la France est toujours en tête de la consommation de cigarettes. Malgré les augmentations répétées, en 5 ans le prix du paquet de cigarettes a pris un peu plus de 60 % daugmentation, on a toujours autant de fumeurs.

•• La Montagne : et pourquoi a-t-on toujours autant de fumeurs ?

Daniel Bruquel : parce quil y a ces réseaux de contrefaçon de cigarettes qui proposent des produits entre 3 et 5 euros, ce qui offre une solution de contournement qui est à portée de main. Ces produits sont distribués dans les points de deal que vous avez dans les rues de Lyon, Saint-Étienne, Grenoble, Clermont-Ferrand, dans les épiceries de nuit, et sur les réseaux sociaux. 

•• La Montagne : la saisie sur Vichy faisait partie du réseau qui alimente Lyon et Saint-Étienne ?

Daniel Bruquel : laudience éclaircira certains points, mais il est à peu près clair que les protagonistes sont basés sur Lyon et ils ont pris Vichy et la zone industrielle où ils ont été appréhendés comme base arrière, car en 2022, il y a eu un certain nombre dopérations des Douanes  qui ont démantelé un grand nombre de réseaux et de gros stocks sur Lyon, doù cette prise de recul pour s’éloigner des zones un peu chaudes en termes de contrôle. 

•• La Montagne : qu’est-ce qu’une cigarette de contrefaçon ?

Daniel Bruquel : cest une fausse cigarette. Cest une cigarette avec du tabac, mais fabriquée en dehors de tout contrôle sanitaire. Une cigarette légale, cest nocif pour la santé, cest clair pour tout le monde, mais elle respecte un certain nombre de normes en ce quelle délivre en termes de nicotine, goudrons, monoxyde de carbone … Dans les fabriques clandestines, les machines sont remplies à la pelle avec du tabac stocké à même le sol. Ça ramasse poussière, ciment, excréments de rongeurs comme le montrent les analyses faites par les Douanes.

Les contrefaçons ont pour objectif de tromper le consommateur. Les paquets ressemblent à ceux des duty-free pour rassurer le fumeur. Car 3 à 5 euros, ça correspond au prix duty free sur lensemble de la planète. On a eu 400 millions de paquets contrefaits qui ont été consommés en 2022.

•• La Montagne : est-ce que vous avez une solution à proposer contre ce fléau ?

Daniel Bruquel : lobjectif de santé publique et de Philip Morris, cest darrêter la consommation de cigarettes. Ça peut paraître bizarre, mais cest notre stratégie depuis plus de 10 ans:transférer le consommateur de cigarettes vers dautres produits alternatifs comme la e-cigarette ou le tabac à chauffer.

La problématique avec ces trafics et les contrefaçons, cest que les fumeurs ne se posent pas la question darrêter. Et les chiffres le montrent, on a toujours autant de fumeurs en France. On a un problème qui va bien au-delà de la protection dune marque, cest un problème de santé publique liée à ces trafics. Il y a bien sûr une perte fiscale pour l’État estimée à 3 milliards deuros.

La France, cest 62 % des cigarettes de la contrefaçon consommées en Europe. Les 400 millions de paquets contrefaits fumés en 2022 ont généré 2 milliards deuros pour ces structures criminelles.

Il faut un système curatif en multipliant les enquêtes judiciaires pour démanteler les réseaux, il faut des sanctions pénales qui soient fortes et un côté préventif, en expliquant aux consommateurs que ce quils achètent à la Guillotière à Lyon ou au marché aux puces à Clermont-Ferrand, ce sont des paquets de contrefaçon qui sont impropres à la consommation. Et il faut proposer dun autre côté des solutions pour quils puissent sortir de la cigarette.

•• La Montagne : être partie civile dans ce genre de procès, c’est important ?

Daniel Bruquel : oui, cest une affaire emblématique. Ça se passe à Vichy, ce qui montre que ce nest pas seulement un phénomène urbain. Nous réclamons une indemnité de 450 000  euros qui est basée sur les 68 000 cartouches. Mais le plus important, cest que le réseau soit mis hors d’état de nuire.