Depuis plusieurs semaines, alors que le fabricant de snus Swedish Match vient d’être racheté par Philip Morris International (voir 28 novembre 2022), les médias français et professionnels de santé s’alarment de la popularité croissante du « snus » auprès des adolescents (voir 29, 28 et 27 décembre 2022, 12 janvier 2023).
Le Comité national contre le Tabagisme (CNCT) réagit à cette situation par une communication que nous reprenons.
Il s’agit en réalité de sachets de nicotine, un dérivé sans tabac, qui se développent progressivement sur le marché français, profitant d’un certain flou juridique autour des produits de la nicotine. Une confusion entretenue par l’industrie du tabac elle-même pour tromper le consommateur et espérer infléchir les réglementations autour des produits du tabac.
Promus récemment par les médias et réseaux sociaux mais aussi par des célébrités du sport, ces sachets de nicotine séduisent les plus jeunes et sont déjà vendus en ligne et dans certains débits de tabac.
•• Le snus, conçu et commercialisé en Suède, est constitué d’un sachet de tabac humide à sucer, vendu dans une ample gamme d’arômes. Ce produit, interdit dans le reste de l’Union européenne dont la France depuis 1992, est néanmoins commercialisé dans plusieurs autres continents (Asie, Afrique et États-Unis). Comme produit du tabac, il présente de nombreux risques sur la santé qui sont bien documentés.
Les sachets de nicotine, à la différence donc des snus, ne contiennent pas de tabac, mais une poudre blanche à base de nicotine. Les sachets de nicotine sont commercialisés notamment sous les marques Aroma King en France ; ces produits sont aussi proposés avec un large éventail d’arômes.
La confusion actuelle résulte du même mode de consommation : dans les deux cas, le sachet est placé entre la gencive et la lèvre.
•• Les sachets de snus ne sont donc pas vendus en France, même s’ils sont marginalement disponibles sur Internet. Les produits mis en avant actuellement sur les réseaux sociaux et au cœur de tous les débats dans les médias sont les sachets de nicotine. Ils ont fait leur apparition dans des débits de tabac sous la qualification trompeuse de « Snus / snuf » au dernier trimestre de l’année 2022 et sur internet il y environ un an.
Les sachets de nicotine sont vendus en France sans déclaration préalable. Les fabricants profitent d’un flou juridique autour des nouveaux produits de la nicotine. En effet, depuis mai 2016, date d’entrée en vigueur de la directive européenne 2014/40/UE sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et produits connexes, les fabricants des produits du tabac et du vapotage ont l’obligation de déclarer certaines informations relatives à la composition, aux émissions, à la toxicité ou encore au volume de ventes de leurs produits avant de les commercialiser à l’Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale (ANSES). Ainsi, on retrouve l’ensemble des informations relatives aux produits du tabac et du vapotage sur le site de l’ANSES mais aucune sur les sachets de nicotine actuellement vendus en France.
Ces sachets de nicotine délivrent une dose très importante de nicotine : jusqu’à 20 mg selon certaines marques de sachets de nicotine contre 1 à 3 mg pour une cigarette classique. Cette caractéristique signifie une entrée très rapide dans la dépendance, surtout chez les jeunes qui sont la cible principale du marketing de ce produit à travers les nombreux arômes disponibles.
Si les sachets de nicotine, qui ne contiennent pas de tabac, semblent être une alternative moins risquée que la consommation de produits du tabac dont le snus, une récente étude allemande indépendante a relevé la présence de nitrosamines spécifiques du tabac, dont certaines sont cancérigènes (NNN, NNK) dans une grande partie des sachets de nicotine testés. En d’autres termes, ces produits sont très addictifs et leur innocuité n’est pas établie.
•• Ces sachets de nicotine font partie des nouveaux produits sans fumée activement promus par l’industrie du tabac, dans un contexte où les cigarettes manufacturées sont en déclin.
Profitant du flou juridique qui entoure encore les produits de nicotine sans fumée dans de nombreux pays dont la France, les industriels utilisent les réseaux sociaux pour diffuser des publicités et recruter des influenceurs qui incitent à consommer ces produits.
En les présentant comme des « snus » ou des « snus sans tabac », les industriels entretiennent délibérément la confusion avec l’objectif de revenir sur l’interdiction de vente des snus dans les pays de l’Union européenne. On retrouve cette même stratégie de fabrique du doute et de la confusion pour les cigarettes électroniques et le tabac chauffé.
Ces deux produits sont souvent confondus par le grand public, les médias voire les décideurs. Cette confusion est délibérément recherchée et entretenue par les fabricants notamment Philip Morris qui commercialise actuellement ces deux produits sous la même dénomination d’« alternatives sans combustion ».
Les produits du vapotage sont ainsi utilisés comme brise-glace pour la promotion illicite du tabac chauffé : l’IQOS. L’objectif est également d’obtenir une réglementation plus souple pour ce dernier, notamment en termes de fiscalité.