Une nouvelle hausse du prix des cigarettes et l’extension des « espaces sans tabac » … Parmi les mesures du nouveau Plan national de Lutte contre le Tabac (voir 28 novembre), celles concernant la hausse des prix du paquet font réagir les buralistes. Explications avec Jérôme Récapet, président de la fédération Béarn et Soule des buralistes dans La République des Pyrénées.
R. P : Rendre le paquet de cigarettes moins abordable, est-ce une bonne stratégie anti-tabac ?
Jérôme Récapet : Non. Quel est le but ? Mettre le paquet à 15 euros, 20 euros? 30 euros aussi pourquoi pas ! Ce n’est pas du tout une bonne idée. Car si nous constatons avec satisfaction pour la santé publique qu’il y a de moins en moins de fumeurs -moi le premier- et que nous convenons tout à fait que le tabac ne soit pas bon pour la santé, ce n’est pas en augmentant le prix que l’on résout quoi que ce soit. La preuve : la vente parallèle de tabac a explosé.
Cette décision aura donc pour conséquence de rendre le trafic démentiel parce qu’il y a encore 12 millions de fumeurs et qu’ils ne pourront pas arrêter du jour au lendemain …
R. P : Quels sont les chiffres des ventes parallèles de tabac ?
J. R. : Dans les Pyrénées-Atlantiques, ce sont 55 % des cigarettes consommées qui ne sont pas vendues par les buralistes. C’est énorme ! Et sur le plan national, on est à 30 %. C’est le confinement – et la fermeture provisoire des frontières – qui nous a permis de révéler clairement ces chiffres et de démontrer ainsi l’ampleur du trafic sur notre territoire. À l’issue de cette période, l’État avait récupéré trois milliards de plus. Et à titre d’exemple, le dernier mois de confinement, j’avais fini à plus 93 % de vente de tabac ! Je ne savais même pas que certains de mes plus fidèles clients pour d’autres produits étaient fumeurs !
R. P : Que redoutez-vous avec cette nouvelle stratégie anti-tabac ?
J. R. : Une contrefaçon en recrudescence qui inquiète. Car les réseaux mafieux ont désormais investi dans ce marché très lucratif. Cinq usines illégales ont été démantelées dernièrement en France. Quant aux Douanes, elles arrêtent même des convois de tabac brut ou d’imprimés permettant de reproduire l’emballage des paquets de tabac. C’est un phénomène très récent, d’à peine 24 mois. Imaginez ce que cela va faire dans deux ans ! Il y aura des plateformes de trafic, des territoires réservés comme pour les réseaux de drogue.
R. P : De quels moyens d’action disposez-vous ?
J. R. : On transforme aussi nos commerces grâce aux aides à la Transformation : épicerie, dépôts de pain, snacking, cave à vins … On a aussi mis en place une démarche éthique qui s’appelle « Bob » destinée à mettre en valeur le « Buraliste officiellement bienveillant ». On s’investit aussi dans les produits de substitut de la nicotine. Mais face à cela, on constate que ces produits sont aussi proposés en ventre libre. Il n’y a toujours aucune réglementation ! C’est notre prochain combat : que la vente de nicotine soit vraiment réglementée.
R. P : Et les restrictions des quotas d’importation ?
J. R. : On doit de nouveau se battre ! On pensait pourtant montrer le bon exemple en limitant depuis 2020 l’achat à l’étranger à une cartouche par personne. La loi était passée. Mais on a retoqué l’État français en septembre dernier, obligeant à repasser à quatre cartouches par personne, cela veut dire qu’il peut y avoir jusqu’à 20 cartouches légalement par voiture. Notre président national Philippe Coy travaille avec le Gouvernement pour voir ce qu’il est possible de faire. C’est en tout cas encore un très mauvais message. On marche sur la tête !
R. P : L’interdiction des cigarettes électroniques jetables, c’est au moins une bonne nouvelle ?
J. R. : Oui, car on retrouve ces fameuses « puffs » dans les Gifi, en tête de gondole dans les marchés alimentaires … Il faudrait aussi des règles pour le CBD. On peut même trouver des distributeurs automatiques sur les parkings des supermarchés.
R. P : Quel regard portez-vous sur les espaces sans tabac généralisés ?
J. R. : Le Français a effectivement du mal à être discipliné ( …) Alors oui, il faut que le fumeur soit raisonné, raisonnable et éduqué. Ces espaces sans tabac vont d’ailleurs dans le sens de notre démarche RSE. Nous travaillons, par exemple, avec le réseau Tree6clope pour ramasser les mégots et les transformer en énergie. Les spectateurs du rugby qui se rendent au Hameau jouent d’ailleurs très bien le jeu.