MANIFS DES BURALISTES AUX FRONTIÈRES : LE SENS D’UNE MOBILISATION (9 avril)
Alors que le pays reste plongé dans le désarroi et le scepticisme que lui inspire la campagne électorale, les buralistes se mobilisent à nouveau. Ils n’arrêtent pas.
Pour dénoncer la concurrence déloyale que leur font subir ces supermarchés du tabac, situés juste de l’autre côté de la frontière, et où viennent s’approvisionner des consommateurs français prêts à parcourir beaucoup de distance pour jouir de l’aubaine fiscale.
Aujourd’hui, cela se passe aux frontières belge et luxembourgeoise (voir Lmdt du 9 avril). Comme sur la route d’Andorre, il y a trois semaines (voir Lmdt du 19 mars).
On peut déjà tirer trois leçons de ce mouvement :
• La colère des buralistes frontaliers ne s’émousse pas avec le temps : tout simplement parce que le phénomène du marché parallèle en général – et des trafics transfrontaliers en particulier – ne fait que s’aggraver, au vu et au su de tous.
• Tout le monde prend conscience que le nouveau locataire de l’Élysée et le parlement renouvelé en juin ne pourront esquiver le sujet, même s’ils devront s’attaquer à des enjeux encore plus importants : parce que le phénomène du marché parallèle du tabac prend de l’ampleur dans la vie quotidienne des Français, encore une fois.
En même temps, nombre de décideurs comprennent que le sujet ne saurait se résoudre qu’à une – ou quelques – mesure(s) technique(s), mais exige un plan global, coordonné et avec des objectifs dans le temps.
• Ces mouvements d’humeur aux frontières correspondent également à un moment de solidarité syndicale entre buralistes : des représentants des chambres syndicales « de l’intérieur » venant manifester en support de leurs collègues frontaliers. Avec bon cœur.
SOUS UN CHAUD SOLEIL DU NORD (9 avril)
De 14 heures à 16 heures, ce dimanche 9 avril, un peu plus de 250 buralistes ont établi un barrage filtrant au lieu-dit le Mont-Noir, juste à la frontière belge. À une trentaine de kilomètres de Lille. Sous un soleil radieux et sans incidents.
•• Le Mont-Noir. Quelques routes y accèdent dans un cadre bucolique. Un carrefour et on redescend côté belge sur ce haut-lieu des achats frontaliers, archi-connu de toute la population du Nord qui ne saurait être indifférente à l’attrait des prix pratiqués sur le tabac et l’alcool. Faire un voyage là-bas – de temps en temps ou très régulièrement – est une coutume, quasiment.
•• C’est ce qu’ont pu constater sur place les manifestants qui ont « filtré » une file ininterrompue de véhicules français rentrant de Belgique avec leurs provisions.
Le trafic transfrontalier n’étant plus, en l’occurrence, un thème de mécontentement syndical mais une réalité palpable et mesurable en grands seaux de tabac à rouler ou à tuber, essentiellement.
« Ce sont des acheteurs manifestement habitués et qui semblent avoir basculé complètement dans un système économique et social parallèle, quitte à en tirer des ressources en revendant » nous faisait remarquer un élu, particulièrement connaisseur de ces nouveaux usages de consommation dans une France qui souffre déjà depuis un certain temps.
Moments de tension : quand un certain nombre de piétons ayant garé leurs véhicules dans la campagne environnante ont traversé les rangs des manifestants en brandissant leurs sacs pleins de pots de tabac. Triste défi.
Réponse calme – et à saluer… – des buralistes. Les forces de l’ordre n’ont pas eu à intervenir.
•• Malgré cela, le rassemblement a gardé son caractère convivial et animé : slogans, pétards, banderoles, fumigènes et odes à Marisol … Les médias présents en ont eu plein la vue et les oreilles.
Un tract était distribué : « dans nos quartiers et nos campagnes, 1 paquet sur 3 vient de Belgique. Il est temps d’agir ! Pour un grand plan de lutte contre le marché parallèle du tabac ! ».
•• Patrik Falewee (président de la fédération des buralistes du Nord) s’est bien occupé de toute la logistique avec son équipe et a su accueillir ses collègues en compagnie d’autres administrateurs de la Confédération : Gérard Vidal (président de la commission ventes transfrontalières et marché parallèle), Philippe Coy, Laurent Mazal, Bernard Gasq, Sophie Lejeune, Didier Reboulet, Jean-Francois Vigouroux, Sylvain Hodicq, François Guilbert, Joël Delbove.
Car, venues en témoignages de solidarité, il y avait sur place des délégations venant des fédérations Ile-de-France (Paris, Essonne, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Seine-Maritime/Le Havre) et Midi-Pyrénées/ Occitanie (Haute-Garonne, Tarn-et-Garonne, Lot, Ariège, Pyrénées-Orientales, Hérault/ Béziers, Aude, Gers, Hautes-Pyrénées, Aveyron) ainsi que des chambres syndicales suivantes : Hérault/ Montpellier, Allier, Loire, Loire-Atlantique, Ille-et-Vilaine, Drôme, Saône-et-Loire…et on nous excusera pour les omissions.
•• Si, à ne pas oublier : la présence du deputé Thierry Lazaro et de la conseillère départementale Marie-Hélène Quatreboeufs, élus LR, et d’un représentant local du mouvement « En Marche ! ».
SUR LA ROUTE DU LUXEMBOURG (9 avril)
Autre manif, autres frontières.
Sous la responsabilité d’Alain Sauvage, Norbert Chary et Thierry Lefebvre (administrateurs de la Confédération), environ 150 buralistes ont manifesté cet après-midi sur la route du Luxembourg à partir de Audun-Le-Tiche (Moselle).
Tout s’est bien déroulé, selon nos informations.
Il s’agissait de buralistes des fédérations Est et Alsace-Lorraine, appuyés par des collègues venant du territoire de Belfort.
Grosse détermination chez les manifestants pour lesquels la politique fiscale du Luxembourg – consistant à baisser les accises sur le tabac pour compenser une hausse de la TVA (voir Lmdt du 3 janvier 2015) – est toujours restée en travers de la gorge.
À suivre.
LA PRESSE RÉGIONALE FAIT ÉCHO (10 avril)
Entre dimanche après-midi et ce lundi 10 avril, les alertes-presse se sont multipliées après les manifestations de buralistes aux frontières belges et luxembourgeoises.
•• La Voix du Nord de ce lundi s’intéresse au comportement des automobilistes « filtrés » au Mont-Noir :
Il y a ceux, fenêtre baissée, qui acquiescent, sourient de bonne grâce aux manifestants et donnent des « On vous comprend », s’empressant de signaler : « On ne fume pas ». « On ne fume pas, on est venus acheter des chocolats mais on les soutient » déclarait cette mère de famille de Saint-Omer.
Autre catégorie, celle des non-fumeurs, mais version énervée : « on est mécontents d’être pris en otage » s’énervait ce Lillois dans sa voiture (…).
Et puis, quand même, il y a les fumeurs venus s’approvisionner à moindre coût de l’autre côté de la frontière belge. Parmi eux, Pierre, 24 ans : « je viens régulièrement au Mont-Noir », avoue cet habitant de Caestre, « c’est à 10 minutes de chez moi. J’achète 50 % ici et 50 % en France, en fonction du prix ». Sans rancune, il dit « comprendre » le mouvement des buralistes mais ajoute « s’ils vendaient au même prix, il n’y aurait pas ce problème. Même si je sais que ce n’est pas eux qui choisissent ».
« On n’en veut pas aux consommateurs, on connaît les difficultés économiques », assurait Patrick Falewee, le président de la fédération des buralistes du Nord et vice-président national.
« On veut interpeller les candidats à la présidentielle et aux législatives. C’est un endroit symbolique, le Mont-Noir, il y a toujours du monde. Les gens couplent la sortie du week-end avec une sortie fiscale. Ici comme ailleurs, la frontière belge est une vraie passoire ! ».
•• Sur France Bleu Nord, autres interviews, celles de Sophie Lejeune, présidente de la chambre syndicale des buralistes de l’Hérault/Béziers, et de Bernard Gasq, président de la fédération des buralistes de l’Ile-de-France, venus avec des collègues de toute la France pour exprimer leur solidarité.
France 3 Picardie et NRJ Lille ont également bien traité l’événement.
•• L’Est Républicain donne la parole à Norbert Chary, président de la fédération Alsace-Lorraine des buralistes, l’un des organisateurs de la manifestation sur la route du Luxembourg, à Audun-le-Tiche, « où il y avait 3 buralistes il y a 15 ans et, aujourd’hui, plus un seul … ».
« Le tabac est un produit légal mais dangereux, il faut lutter contre les marchés parallèles. Un tiers des cigarettes consommées en France ne sont pas vendues par des buralistes. Ce qui représente une perte de 4 milliards d’euros de fiscalité directe pour l’État. Comment voulez-vous lutter quand un paquet de la marque la plus vendue coûte 5,50 euros au Luxembourg et 7 euros en France ? ».
•• Sinon France 3 Lorraine et Alsace ont interviewé Thierry Lefebvre, président de la chambre syndicale des buralistes du Haut-Rhin, ainsi qu’Hervé Garnier, président de la chambre syndicale des buralistes de Meurthe-et-Moselle. Alors que France Bleu Sud Lorraine est revenu à plusieurs reprises sur l’événement.