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7 Déc 2018 | Vapotage
 

Partie à la conquête de l’Europe, la cigarette électronique Juul arrive en France (voir Lmdt du 6 décembre) après avoir capté en trois ans 73 % du marché aux États-Unis où sa grande popularité auprès des adolescents inquiète les autorités sanitaires, confirme une grande dépêche AFP.

Cette année, les « e-cigarettes » ou « vaporettes », des aérosols qui délivrent de la vapeur aromatisée contenant ou non de la nicotine, ont généré dans l’Hexagone un chiffre d’affaires global en hausse de 21 % à 820 millions d’euros, selon le cabinet Xerfi (voir Lmdt du 23 novembre).

Avec 1,8 million de « vapoteurs » quotidiens, la France est le troisième marché mondial après les États-Unis et le Royaume-Uni. La perspective d’un paquet de cigarettes à 10 euros en 2020 dans le cadre de la politique publique anti-tabac, devrait, selon Xerfi, « donner un coup de fouet » au marché.

•• Née il y a trois ans à San Francisco, la société Juul Labs – déjà valorisée à 16 milliards de dollars et convoitée par le cigarettier américain Altria, selon la presse (voir Lmdt du 29 novembre) – ne cache pas ses ambitions : après Israël, le Royaume-Uni, la Russie et la Suisse (voir Lmdt du 3 décembre), d’autres pays européens suivront en 2019 et Juul veut s’attaquer au « milliard de fumeurs dans le monde », dit à l’AFP James Monsees, son cofondateur avec Adam Bowen.

•• Le vapotage est moins toxique que la cigarette, qui fait 73 000 morts par an en France : il n’expose ni au goudron, ni au monoxyde de carbone et aux quelque 4 000 substances toxiques générés par la combustion du tabac, qui causent cancer du poumon et maladies cardiovasculaires, reprend l’AFP.

Si ces « vaporettes » sont « très très anodines par rapport au tabac », elles contiennent néanmoins de la nicotine, une substance addictive et irritante, « ce qui n’est pas terrible pour la santé », rappelle le professeur Bertrand Dautzenberg, pneumologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.

Elles aident aussi à décrocher du tabac : l’an dernier, qui a vu la France enregistrer une « baisse historique » du nombre de fumeurs, à 26,9 % des 18-75 ans contre 29,4 % en 2016, la première méthode de sevrage a été la cigarette électronique, a reconnu le gouvernement fin mai (voir Lmdt du 28 mai).

Mais cette efficacité n’est pas établie scientifiquement, ce qui a poussé l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lancer une étude nationale dont les résultats seront connus d’ici trois ans (voir Lmdt du 31 octobre).

•• Depuis jeudi, les produits de Juul sont vendus dans quelques magasins parisiens spécialisés et sur le site internet de la marque, avec selon la directrice générale France, Ludivine Baud, « des contrôles stricts de vérification de l’âge » des acheteurs, car la cigarette électronique est interdite de vente aux mineurs.

« Nos revendeurs signent un contrat de prévention, on demande à ce que les gens qui ont l’air jeune présentent leur carte d’identité, on ne vend pas sur des sites internet autres que le nôtre », dit-elle.

•• La question est sensible : le vif succès de l’e-cigarette auprès des jeunes inquiète aux États-Unis, où le nombre d’adolescents « vapoteurs » a bondi de 78 % dans les lycées et 48 % dans les collèges en 2018, selon une enquête nationale.

L’agence de santé américaine (FDA) a annoncé mi-novembre son intention d’interdire la vente en ligne des e-cigarettes aromatisées – dans la foulée, Juul a suspendu celle de certaines recharges aromatisées, et le géant du tabac Altria (Marlboro aux États-Unis, Chesterfield) a cessé de vendre certaines de ses cigarettes électroniques, les plus populaires auprès des jeunes (voir Lmdt du 26 octobre).

•• Mais la Juul vendue aux États-Unis contient « une dose très forte de nicotine, plus de 60 mg par ml, qui arrive dans les veines en 5 minutes avec quasi la même concentration qu’une cigarette, nettement susceptible de créer une addiction », explique à l’AFP le Pr Dautzenberg.

Toutefois, la teneur en nicotine de la version vendue en France est trois fois inférieure, 20 mg par ml : c’est la concentration maximum autorisée par l’Union européenne.

La crainte, « justifiée » estime le Pr Dautzenberg, est que « la vape ne soit pour les jeunes une porte d’entrée en tabagie », mais les études actuelles « ne permettent pas de l’affirmer ». Cela semble pour l’heure, plutôt être « un concurrent qui ringardise le tabac ».