Focus du Figaro sur la « spirale infernale des paris sportifs » chez les jeunes alors que le montant des mises en ligne devrait dépasser les 500 millions d’euros pour ce Mondial 2022 selon l’ANJ.
Et comment le Gouvernement tente de freiner un phénomène qui explose. Extraits …
Toutes les études dépeignent la même réalité …
72 % des parieurs ont moins de 35 ans et 35 % des 15 à 17 ans participent à cette frénésie des pronostics sportifs, bien que ce soit interdit aux mineurs. Ces accros aux paris sont par ailleurs en grande partie des jeunes de banlieue qui, selon Armelle Achour de SOS joueurs, « mettent de l’argent pour regarder le foot parce que cela procure une intensité folle ». Avec des mises moyennes mensuelles de 240 euros, le jeu devient vite un enjeu primordial. Les joueurs, qui selon Santé publique France sont souvent « issus de milieux modestes et plus fréquemment chômeurs », perdent parfois gros (…)
•• On est loin de ce que vendent les slogans des opérateurs, en faisant miroiter une place au soleil grâce aux gains remportés. « Surtout », souligne le psychiatre Laurent Karila, « il y a une normalisation du pari sportif dans la société, entretenue par la stratégie marketing des opérateurs qui cultivent l’illusion de l’expertise sportive chez le joueur. » Ce dernier ne se considère donc pas comme un addict au jeu.
En 2019, l’Observatoire des jeux avait estimé à 1,4 million les joueurs à risque dont « 400 000 de niveau pathologique », leur nombre devrait augmenter, la crise sanitaire n’ayant rien arrangé. Dans une étude publiée le mois dernier, l’Observatoire français des Drogues et des Tendances addictives indique que 59 % des joueurs qu’il a interrogés « ont parié pour la première fois en ligne en 2021 ».
•• Face à ces dérives, plus que jamais sous les projecteurs à l’occasion du Mondial de football, les autorités s’affolent. Localement, Stéphane Troussel, le président de la Seine-Saint-Denis, exhorte les parlementaires à changer les règles et mieux encadrer les paris. Ce dernier a entrepris une contre-offensive en lançant une campagne d’affichage pour démolir celle des opérateurs.
De son côté, la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse, Sarah El Haïry, a adressé plusieurs courriers à diverses autorités afin d’exiger d’elles une plus grande vigilance.
L’un d’eux est parvenu à l’Arcom, l’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. « Mon courrier a tout d’abord pour objet de vous demander un bilan intermédiaire des amendes infligées dans le cadre de la Coupe de monde de football », indique la responsable politique, en rappelant le montant encouru de la sanction : 100 000 euros. Des pénalités devraient donc tomber ?
Du côté de l’Arcom, on fait valoir qu’à ce jour, il n’y a pas eu d’alerte sur un contenu publicitaire mettant en scène des mineurs prenant part à des jeux d’argent, ou de publicités directement adressées à eux, comme ce fut le cas lors de l’Euro 2020. Par ailleurs, des règles de bonne conduite viennent d’être adoptées par les chaînes de télévision et de radio. En prévision de ce Mondial, l’ANJ et l’Arcom avaient en effet réuni les opérateurs de jeux d’argent et le monde de la publicité pour que tous s’engagent, par le biais de chartes, à modérer la pression publicitaire et à surveiller le contenu des messages. Des engagements qui n’ont rien de contraignants (voir 8 novembre).
•• Mais pour Juliette de la Noue, porte-parole de l’Association française des jeux en ligne et qui représente la plupart des opérateurs, il existe déjà pléthore de garde-fous pour éviter toute dérive : « les jeux en ligne sont hyperrégulés et quand un joueur s’inscrit, on lui demande une pièce d’identité pour justifier de son âge. Or si des mineurs parient, c’est souvent avec la complicité d’adultes », souligne-t-elle.
Pourtant, la commission des sanctions de l’ANJ est saisie de cas mettant en cause deux opérateurs qui n’auraient pas – comme le veut la loi – identifié « les personnes dont le jeu est excessif ou pathologique » en vue de les aider à modifier leur pratique. Les décisions seront attendues en février prochain. Cette commission, que préside le conseiller d’État Frédéric Dieu, n’a depuis 2017 prononcé aucune sanction.
Voir aussi 14 et 30 novembre. Photo : AFP