On sait que sur injonction du Conseil d’État, un décret supprime le seuil de 200 cigarettes, soit une cartouche, que l’on pouvait ramener en France depuis un pays de l’UE (voir 29 mars).
Philippe Coy – néanmoins satisfait que les contrôles des Douanes puissent se multiplier grâce au même décret – demande à l’Union européenne d’harmoniser les prix du tabac partout en Europe, seul moyen selon lui de réguler le marché et de limiter les trafics.
Interview dans Libération.
•• Que pensez-vous de cette mesure ?
• Philippe Coy : Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas «open bar». Là où je suis satisfait, c’est que la France s’est dotée de nouveaux moyens pour contrôler et sanctionner. Le précédent texte était assez binaire et quantitatif alors que le nouveau fait référence à la destination et à la commercialité des marchandises.
Les Douanes ont désormais douze éléments qui leur permettent de déterminer si le transport du tabac se fait à des fins personnelles ou commerciales. Par exemple, si le douanier trouve trois cartouches de marques différentes, il paraît évident que vous ramenez ces produits pour une tierce personne … Je ne connais aucun consommateur qui fume une marque le matin et une autre l’après-midi.
Le lieu de stockage dans la voiture est important aussi, si le produit est dissimulé, ou si vous avez un carnet de commandes … De même, le lieu de transit sera regardé: si vous êtes à l’autre bout de la France et que vous passez plusieurs fois la frontière en peu de temps, on peut avoir des doutes …
•• Attendez-vous d’autres décisions plus contraignantes ?
• Philippe Coy : D’abord, nous serons attentifs à la mise en œuvre de contrôles réguliers. Ensuite, il s’agit de convaincre la Commission européenne de ramener le seuil d’importation à 200 unités, soit une cartouche pour tous les pays membres. C’est un sujet que nous avons déjà abordé avec nos confrères de plusieurs pays européens et je crois qu’il y a un consensus.
Le paradoxe est quand même puissant. C’est cette même Europe qui édicte des normes et des réglementations sur la fiscalité du tabac, le prix, les messages sanitaires, la suppression du menthol, etc … et qui n’autorise pas un État membre à se protéger avec des seuils. C’est quand même assez curieux que l’on nous réponde que le tabac n’est pas nocif quand il est transporté, mais seulement quand il est consommé. Je me demande de qui on se moque.
•• Est-ce que l’économie du tabac en France va changer ?
• Philippe Coy : Non, parce que malheureusement, l’existence du marché parallèle est plus que réelle. Une cigarette sur trois sur le marché français n’est pas achetée dans le réseau des buralistes. Et beaucoup de gens ont déjà enfreint les règles. Selon moi, le premier sujet est le prix du tabac en France, le plus élevé de l’Union européenne. C’est pour cela que je demande très fortement un moratoire sur la fiscalité.
•• C’est-à-dire ?
• Philippe Coy : La France a fait le mauvais choix de la pression fiscale, mais s’il n’y avait pas ces écarts sur les marchés européens, si les prix étaient les mêmes partout, il n’y aurait pas de marché parallèle. On ne pourra pas faire baisser le prix du tabac en France. Par contre, il faut veiller à ce que les voisins européens rehaussent leurs prix, comme la Belgique vient de le faire.
Cela rééquilibrerait le marché et l’on pourrait atteindre les objectifs de santé publique. La fiscalité est le cœur de la bataille car peu importent les règles, il y aura toujours des voies de contournement qui alimenteront des trafics illicites.