Le Royaume-Uni étudie un projet de loi visant à interdire la vente de cigarettes aux personnes nées après 2009 (voir 17 et 22 avril). Une mesure qui interroge alors même que la législation devient plus permissive pour les drogues douces aussi dangereuses pour la santé, rappelle Bernard Meunier (membre de l’Académie des Sciences et et de l’Académie nationale de Pharmacie), dans une tribune des Échos de ce 30 avril que nous reprenons.
Dans son combat contre les dangers du tabagisme, le Royaume-Uni va interdire l’achat de cigarettes pour toutes les personnes nées après 2009.
•• L’addiction à la nicotine, molécule perturbatrice du système nerveux central, étant forte, il est certain que la vente clandestine de cigarettes va croître, en offrant aux narcotrafiquants un élargissement de leur marché déjà très lucratif.
De manière paradoxale, la restriction et maintenant l’interdiction de l’accès au tabac sont mises en place alors que, dans le même temps, la permissivité et le libre accès sont favorisés pour les autres drogues perturbatrices du système nerveux central. Les mêmes pays qui mènent le combat contre le tabac adoptent, ou souhaitent adopter, une législation favorable aux drogues « douces », y compris en allant jusqu’à dépénaliser la détention de petites quantités de drogues « dures ».
Est-ce à dire que la perturbation du fonctionnement du cerveau par ces drogues n’est pas un problème de santé publique ? Les législateurs de nombreux pays semblent dire oui, en ne focalisant l’interdit que sur la nicotine.
•• Le cancer lié au tabagisme est dû à la combustion de la lignine du tabac dont la fumée inhalée contient des composés cancérigènes. Qu’en est-il de la fumée des « herbes récréatives », la combustion de leur lignine serait-elle inoffensive ? Il y aurait ainsi la mauvaise fumée d’un côté et la bonne de l’autre.
Quelle qu’en soit l’origine, l’inhalation des produits de combustion de la lignine, composé essentiel des plantes, n’est pas recommandable pour les poumons. Quant au côté thérapeutique des drogues douces, il n’a jamais été démontré dans des essais cliniques conduits en double aveugle. Les effets bénéfiques sont essentiellement invoqués par déclaration des pratiquants, loin des méthodes rigoureuses utilisées dans les études cliniques permettant de valider des médicaments.
•• Ainsi, nous sommes en train d’appliquer au tabac la législation des drogues du siècle dernier et, à l’inverse, nous accordons aux drogues, y compris dures, la permissivité accordée au tabac à la même époque. Le cinéma actuel n’aime pas montrer des images avec des cigarettes, mais il n’est plus rare de voir ces dernières remplacées par des « joints ».
Les puissants lobbys de l’industrie du tabac ont bloqué pendant des décennies la lutte contre le tabagisme, mais qu’en est-il pour ceux des drogues dures ? Les narcotrafiquants ont-ils gagné deux batailles essentielles pour eux ? Celle de l’opinion publique qui se laisse persuader que seul le tabac est dangereux, et celle de l’élargissement de sa zone de chalandise en intégrant le tabac dans les marchés clandestins.
Le « tabac tue », comme cela est indiqué sur les paquets de cigarettes, mais pourquoi une telle campagne n’intègre-t-elle pas toutes les autres drogues ? Deux poids, deux mesures, pour des produits qui nuisent gravement à la santé, pour reprendre le slogan qui ne s’applique qu’au tabac.
La bataille contre les drogues n’est pas perdue, mais il faut qu’une partie de l’opinion des pays occidentaux arrête de regarder avec une certaine complaisance les drogues autres que le tabac. Rien n’est doux dans ces drogues, ni dans leur consommation ni dans leur trafic.