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6 Juil 2023 | Profession
 

On le découvre KO, hébété. Depuis quatre jours, Pierre ne dort pas. Le patron du Fontenoy, un bar-tabac de Saint-Cyr-l’École (Yvelines), rumine une colère sombre, impuissante, contre les émeutiers qui ont pillé et mis à sac son commerce en fin de semaine dernière. Et se désespère des formalités administratives qui contrarient toute éventualité de réouverture. « Pour linstant, je tourne en rond. Je ne sais même pas par où commencer », dit-il.

C’est ainsi que démarre un article du Parisien (mis en ligne le 4 juillet) que nous reprenons.

•• La tempête s’était déchaînée, deux heures durant, s’abattant sans pitié sur son bar, tambourinant aux portes, cassant, pillant, volant. Pierre n’en a vu que des ombres encagoulées, des cris, la sauvagerie brute. Et la tempête est passée, le calme est revenu. Il est alors descendu, prudemment, sur la pointe des pieds, pour constater les dégâts.

« On ma volé des milliers de paquets de cigarettes, des milliers de jeux à gratter. Ils étaient trente, quarante. Je nai rien pu faire. Ils voulaient mettre le feu mais des voisins leur ont crié de ne pas le faire. Heureusement car jhabite au-dessus avec ma femme et mes deux enfants et il y a des barreaux à toutes les fenêtres », soupire cet homme de 38 ans.

•• Par où commencer, donc ? En installant une nouvelle vitrine peut-être ? Impossible dans l’immédiat. Les professionnels sont débordés, confrontés à des milliers de cas similaires dans la région. Selon la Confédération des buralistes, 429 commerces comme le sien ont été victimes des violences urbaines faisant suite à la mort de Nahel, mardi dernier à Nanterre (Hauts-de-Seine). Donc près de la moitié en Île-de-France (voir 4 juillet).

Pierre doit aussi attendre le passage des assureurs pour estimer le montant des travaux et avancer les frais. Eux aussi sont « sous l’eau ». « Quand je les appelle, ils me disent quils passeront mais quil faut patienter », abonde le commerçant.

On lui rétorque qu’il pourrait ouvrir quand même en installant une protection de fortune. « Impossible, les Douanes et la Française des jeux réclament un minimum de sécurité. Et puis, je ne peux pas entrer dans mon commerce car la police na pas encore effectué les relevés dempreinte. La seule chose que jai pu faire, cest porter plainte », répond ce père de famille.

•• On résume, donc : Pierre attend le vitrier, qui attend les assurances, qui attendent le passage de la police, qui est débordée.

« Je peux relancer mon bar rapidement et je le dois car jai un crédit à rembourser. Mais tout est compliqué. Je me sens abandonné, laissé seul. On a limpression que quand on est tout petit, loin de Paris, dans une banlieue populaire, on est oubliés. Personne ne maide. »

Personne à part Moussa, peut-être. Ce trentenaire, client et ami de Pierre, originaire de la cité voisine, l’a épaulé dès les premières heures. Il se poste aussi toutes les nuits devant le Fontenoy pour éviter de nouvelles intrusions, profitant de son statut de figure respectée dans la cité voisine pour dissuader les plus jeunes.

•• « Le pire, cest que parmi les émeutiers, il y a sûrement des clients ou des enfants de clients », se désole Moussa. En dépit de cette confiance forcément trahie, malgré la méfiance qui le poursuivra sans doute longtemps, Pierre est déterminé à rouvrir au plus vite, si les tracasseries administratives le lui permettent.

Et ce commerçant en connaît la lourdeur. Après avoir longtemps vécu dans la région toulousaine, il avait choisi de s’installer en banlieue parisienne pour lancer son commerce en famille. C’était en 2020. Juste avant le Covid. Il n’avait ouvert qu’un seul jour … avant de baisser le rideau pour cause de confinement. (Voir 4, 3 et 2 juillet).