Une fenêtre sur l’actualité quotidienne de tous les événements liés directement ou indirectement au tabac
29 Oct 2025 | International
 

« L’Australie est le pire exemple au monde, puisque 80 % du marché du tabac et de la nicotine est illicite. Si je me souviens bien, la perte pour les contribuables depuis 2019 s’élève à environ huit à neuf milliards de dollars australiens », explique Kingsley Wheaton, directeur de la stratégie et de la croissance de BAT.

Il a ajouté que ces chiffres s’expliquaient par « des taxes d’accise exceptionnellement élevées et des réglementations extrêmes ».

C’est ainsi que débute un article du 13 octobre d’Euractiv, signé Sarantis Michalopoulos, que nous reprenons.

Les décideurs politiques de l’UE et l’industrie du tabac sont en conflit depuis juin, lorsque la Commission européenne a proposé une révision de la directive sur les accises, qui prévoit une augmentation de 139 % des taxes sur les cigarettes, ainsi que des hausses importantes pour les produits alternatifs tels que les cigarettes électroniques, le tabac chauffé et les sachets de nicotine (voir les 24 juin et 21 juillet).

Bruxelles ambitionne une Union « sans tabac » d’ici 2040, avec pour objectif de réduire la consommation de tabac et de nicotine à moins de 5 %. Bruxelles et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) insistent toutes deux sur le fait que la taxation, associée à une réglementation stricte, est essentielle pour atteindre cet objectif.

Selon les données de la Commission européenne, le tabagisme est lié à près de 700 000 décès par an dans l’UE, ce qui en fait le plus grand risque sanitaire évitable dans l’Union.

Le contre-exemple australien

Le prix moyen des cigarettes en Australie est d’environ 35 euros. Le pays n’est pas seulement strict en matière de fiscalité, il est également l’un des leaders mondiaux en matière de réglementation du tabac et du vapotage, ayant introduit des emballages neutres et des interdictions d’affichage. Par ailleurs, les cigarettes électroniques ne peuvent être vendues que dans les pharmacies.

Selon les données du gouvernement, le tabagisme a considérablement diminué, le taux quotidien tombant à 8,3 %.

Les chiffres officiels sur le commerce illicite du tabac diffèrent des estimations de l’industrie, qui l’évaluent à 33,1 %.

« Je crains que les Européens ne ferment les yeux sur le marché illégal. C’est exactement ce qui s’est passé en Australie. Ils regardent le marché légitime et disent : nous l’avons contrôlé, mais ils ne s’occupent pas des opérateurs criminels et des cigarettes électroniques non conformes », avertit Kingsley Wheaton.

Selon lui, les commerçants illicites peuvent encore réaliser des profits même si 24 conteneurs sur 25 sont saisis, car il suffit qu’un seul arrive à destination en Australie pour qu’ils en tirent un bénéfice.

La Commission riposte

La Commission rejette ces arguments, soulignant que le commerce illégal actuel en Europe résulte surtout de la disparité fiscale entre États membres. La révision proposée, a expliqué la source, vise à consolider le marché unique à long terme.

L’harmonisation des taxes à travers l’Union contribuerait également à réduire ce que l’on appelle le « shopping transfrontalier », par exemple les consommateurs français qui achètent des produits du tabac dans les pays voisins.

Toutefois, l’application des lois et la sécurisation des frontières restent de la responsabilité des gouvernements nationaux.

La France, qui a imposé la taxe d’accise la plus élevée de l’UE sur le tabac et qui fait pression pour que des niveaux similaires soient appliqués dans toute l’Union, est actuellement confrontée au plus grand marché illicite de tabac en Europe.

Taxer les cigarettes, pas les cigarettes électroniques

Kingsley Wheaton reconnaît que les produits nicotiniques sans fumée ne sont pas sans risque, mais fait valoir qu’ils sont nettement moins nocifs que le tabagisme continu.
« Il est largement admis que lorsque vous ne brûlez pas quelque chose, vous ne créez pas le même profil toxicologique que lorsque vous le faites », a-t-il déclaré.

Il a appelé à une politique fiscale dans laquelle les cigarettes deviennent progressivement plus chères, mais où les alternatives sans fumée restent accessibles et abordables pour les fumeurs adultes.
« Nous ne voulons pas d’emballages et d’étiquetages irresponsables. Nous ne voulons pas d’arômes irresponsables. Nous voulons des plafonds de nicotine. Nous voulons des licences de vente au détail », déclare Kingsley Wheaton.

Cependant, il pourrait être difficile pour l’industrie du tabac de convaincre Bruxelles, car ses précédents arguments en faveur des cigarettes « légères » ont créé un précédent préjudiciable.
« Ils trompent les décideurs politiques sur les risques liés à ces nouveaux produits, comme ils l’ont fait par le passé avec les cigarettes légères », a récemment déploré Wopke Hoekstra, commissaire européen chargé du climat, dont le portefeuille couvre également la politique fiscale (voir le 3 octobre 2025).