La publication du rapport de la Public Health England (agence dépendante du ministère de la Santé britannique) relatif à la cigarette électronique (voir Lmdt des 19 et 20 août) va-t-elle faire pression sur la France et sur sa politique anti-tabac ? Libération et La Tribune font encore le point ce matin … laissant plutôt planer le doute.
•• « La position de la PHE est inscrite noir sur blanc : la e-cigarette peut contribuer à la lutte contre le tabac. A partir de ce rapport, l’objectif des Anglais est clair : via la e-cigarette, ils entendent voir naître une génération sans tabac d’ici à 2025 » souligne La Tribune. Quant aux quelques interrogations du rapport, le quotidien laisse la parole à Rémi Parola ( Fivape / Fédération interprofessionnelle de la Vape) : « les réserves britanniques concernant la qualité nous conviennent très bien. Cette étude appelle d’autres études. Pourquoi pas, demain, une e-cigarette avec autorisation de mise sur le marché ? Nous disons chiche ! ».
Rémi Parola assure ensuite un plaidoyer pro-domo : « nous, acteurs français de la vape, n’avons pas seulement le lead mondial sur la production de qualité, nous sommes aussi l’acteur de référence de la norme de qualité européenne de e-liquides (…) Au-delà de son rôle sanitaire qui est nié en France, mais qui semble indéniable au Royaume-Uni, notre secteur est aussi économiquement porteur, contrairement à ce qui se dit et s’écrit, le chiffre d’affaires de la profession continue de progresser. Il était de 261 millions d’euros en 2013, 395 millions d’euros en 2014 et progresse encore en 2015 notamment sur les marchés export, ce qui est bon pour la balance commerciale du pays. J’espère que la position de la France ne l’amènera pas à connaître un nouveau Waterloo économique et surtout sanitaire face à une Angleterre qui assure voir dans la vape une révolution en matière de lutte contre le tabac ».
•• Libération estime que la ministre de la Santé « se retrouve dans la position inconfortable du combattant au milieu du champ de tir », en citant l’accumulation de positions contradictoires sur le sujet :
. Bertrand Dautzenberg (pneumologue à la Pitié-Salpêtrière à Paris et président de l’Office français de Prévention du Tabagisme) : « je suis un farouche partisan du vapotage » mais … « pour l’interdiction de vapoter là où on ne peut plus fumer ».
. Christian Ben Lakhdar, économiste, président du Haut Conseil de santé publique, : « on risque de renormaliser la consommation du tabac ».
. le professeur Antoine Flahault, en 2013 : la cigarette électronique va être « la révolution » et elle pourrait « changer la face du tabagisme dans le monde ».
. les pincettes prises par Tabac info service : « la cigarette électronique ne fait pas partie des techniques scientifiquement validées pour l’arrêt du tabac, c’est un produit industriel et pas un médicament. Nous ne pouvons donc pas vous conseiller son utilisation car nous connaissons mal son efficacité et ses effets sur la santé ».
Pas gagné donc … En juin 2015, Marisol Touraine s’exclamait : « la priorité pour moi, c’est d’éviter que ce geste de fumer soit banalisé, soit considéré comme un geste de séduction. »
Avec cette version électronique, justement … aucun danger, conclut Libération : « en suçotant cette sorte de narguilé plus ou moins miniaturisé, les vapoteurs ont plus l’air d’avoir retrouvé leur tétine que la clé du style de Bogart dans Casablanca ».