Voici l’intégralité de la communication publiée par la Mildeca (Mission interministérielle de Lutte contre les Drogues et les Conduites addictives) suite à la publication de l’arrêté du ministère de la Santé définissant la nouvelle réglementation sur le CBD en France (voir 1er janvier 2022).
À la suite d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne, les autorités françaises ont révisé la réglementation applicable à la culture, à l’importation et à l’utilisation du chanvre par un arrêté du 30 décembre 2021.
Le nouveau cadre réglementaire maintient un haut niveau de protection des consommateurs et préserve la politique ambitieuse de lutte contre les trafics de stupéfiants, mise en œuvre depuis 2019, tout en permettant le développement sécurisé de nouvelles activités économiques liées à la culture, la production industrielle d’extraits de chanvre et la commercialisation de produits qui en intègrent.
•1• Le 19 novembre 2020, la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu son arrêt dans l’affaire dite Kanavape, portant sur la conformité au droit de l’Union européenne de l’arrêté du 22 août 1990 qui limite la culture, l’importation et l’utilisation industrielle et commerciale du chanvre aux seules fibres et graines de la plante (voir 19 novembre 2020). Les autorités françaises ont pris acte de cet arrêt et engagé immédiatement des travaux interministériels, associant l’ensemble des ministères concernés, afin de modifier la réglementation française, à la lumière des considérations de la CJUE. Le projet de nouvel arrêté a été notifié à la Commission européenne en juillet 2021 (voir 22 juillet 2021).
Au terme de la période de statu quo de trois mois, la Commission européenne a émis de simples observations. Cette possibilité est utilisée pour les projets de texte qui semblent conformes à la législation de l’Union européenne, mais qui nécessitent des éclaircissements quant à leur interprétation. La Commission a invité la France à préciser en particulier l’application de la réglementation communautaire relative aux denrées alimentaires et aux aliments pour animaux. La France a répondu à ces observations le 22 décembre 2021. Le nouvel arrêté a été publié le 30 décembre 2021.
•2• La mise en place de ce nouveau cadre réglementaire global vise à permettre le développement sécurisé en France de la filière agricole du chanvre ainsi que des activités économiques liées à la production d’extraits de chanvre et à la commercialisation de produits qui les intègrent, tout en garantissant la protection des consommateurs et le maintien de la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure de lutter contre les stupéfiants.
•3• L’arrêté prévoit en effet que l’autorisation de culture et d’utilisation industrielle et commerciale du chanvre est étendue, sous certaines conditions, à toutes les parties de la plante de chanvre. Les mêmes conditions sont applicables pour les importations et les exportations.
•4• En ce qui concerne la culture, la plante de chanvre doit avoir une teneur en THC qui n’est pas supérieure à 0,3 %, en cohérence avec les règles relevant de la Politique Agricole Commune qui entreront en vigueur au 1er janvier 2023. Les variétés de plante autorisées sont les variétés inscrites au catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles ou au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France.
Seuls des agriculteurs actifs au sens de la réglementation européenne et nationale en vigueur peuvent cultiver des fleurs et des feuilles de chanvre en France. Seules des semences certifiées peuvent être utilisées. La vente de plants et la pratique du bouturage sont interdites.
Par ailleurs, les agriculteurs sont tenus de conclure un contrat écrit avec le premier acheteur des fleurs et des feuilles avant le début de la campagne de production.
•5• Les fleurs et les feuilles ne peuvent être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d’extraits de chanvre.
Il en résulte en particulier que la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, notamment comme produits à fumer, tisanes ou pots-pourris, leur détention par les consommateurs et leur consommation sont interdites.
•6• Cette interdiction est justifiée à titre principal par des motifs de santé.
Outre une teneur en THC plus importante dans les fleurs et les feuilles brutes qui les rapproche des stupéfiants, les risques liés à la voie fumée sont établis; en particulier, de nombreux éléments cancérigènes proviennent de la combustion des substances organiques.
En outre, s’il subsiste à ce jour des incertitudes sur les effets pour la santé de la consommation de produits à base de CBD, des études scientifiques ont montré que le CBD agissait au niveau du cerveau sur les récepteurs à la dopamine et à la sérotonine en faisant ainsi un produit psychoactif à part entière.
Sa consommation peut donc avoir des effets psychoactifs, de sédation et de somnolence. Chez l’homme, des interactions entre le CBD et des médicaments de type anti-épileptiques, anticoagulants, ou immunosuppresseurs ont été mises en évidence. De ce fait, des traitements médicamenteux, notamment pour certaines pathologies, pourraient être impactés à cause des interactions méconnues avec le CBD.
•7• Par ailleurs, cette interdiction est justifiée par des motifs d’ordre public, dans la mesure où, pour préserver la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure de lutter contre les stupéfiants, celles-ci doivent pouvoir discriminer simplement les produits, afin de déterminer s’ils relèvent ou non de la politique pénale de lutte contre les stupéfiants.
Comme précédemment indiqué, les fleurs et les feuilles brutes comportent, par rapport à la plante, une teneur en THC plus importante et difficilement contrôlable en amont de leur commercialisation.
Le Gouvernement entend ainsi poursuivre avec détermination les objectifs qu’il a fixés dans le plan national de lutte contre les stupéfiants présenté en septembre 2019 et renforcés lors du comité interministériel de lutte contre les stupéfiants en mai 2021.
•8• Les extraits de chanvre, ainsi que les produits qui les intègrent, doivent avoir une teneur en THC qui n’est pas supérieure à 0,3 %. À défaut, ils relèvent de la politique pénale de lutte contre les stupéfiants.
Ces dispositions ne préjugent pas de dispositions plus strictes – notamment en termes de taux de THC admis – qui sont déterminées par des réglementations sectorielles pour les catégories de produits qui en relèvent, en particulier pour les denrées alimentaires, pour garantir leur absence de risque pour la santé humaine.
•9• Dès lors que le CBD n’est pas un stupéfiant, les produits qui en comportent doivent se conformer aux réglementations sectorielles propres à chaque type de catégorie de produits.
En particulier, le CBD étant considéré comme un nouvel aliment, celui-ci et les denrées alimentaires en contenant ne peuvent être commercialisés sans évaluation préalable par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et autorisation.
À ce jour, plusieurs dossiers sont en cours d’évaluation par l’EFSA, les premières conclusions sur les risques associés à la consommation de ces produits sont attendues pour fin 2022.
•10• Les autorités françaises estiment plus généralement que l’élaboration d’une approche commune européenne des produits à base de CBD est souhaitable. Elles poursuivent à cet égard leurs échanges avec les autres États membres et la Commission européenne.
•11• Les produits contenant du CBD ne peuvent, sous peine de sanctions pénales, revendiquer des allégations thérapeutiques, à moins qu’ils n’aient été autorisés comme médicament.
En effet, les allégations thérapeutiques, hors médicament autorisés, sont purement spéculatives à ce stade et risquent de détourner les usagers d’une prise en charge éprouvée (arrêt de leur traitement médicamenteux au profit du CBD ou « automédication »).
•12• Les publicités en faveur de produits contenant du CBD ne doivent pas entretenir de confusion ou faire l’amalgame avec une consommation de cannabis à usage récréatif et faire ainsi la promotion du cannabis. Cette pratique est susceptible de constituer l’infraction pénale de provocation à l’usage de stupéfiant.
Cette confusion est d’autant plus préjudiciable que les risques liés à la consommation de cannabis sont de mieux en mieux documentés par les études scientifiques.
Ainsi, la consommation chronique de cannabis peut être source de dépendance et altérer le fonctionnement cérébral (perturbation de la mémoire et des fonctions exécutives supérieures). Schématiquement, les effets délétères du cannabis sont proportionnels à la précocité de l’usage, à sa fréquence et à la concentration du produit en THC.
Le Gouvernement a déployé tout au long de l’année 2021 des campagnes de communication visant à éclairer les Français sur les risques liés à l’usage de cannabis (voir 23 août 2021).