La question est récurrente à chaque campagne de sensibilisation …
Les deux nouveaux spots de la campagne média anti-tabac, lancée le 26 septembre (voir Lmdt du 25 septembre), ont été conçus pour toucher la « corde sensible » des fumeurs mais aussi de leur entourage. Un autre spot, plus pédagogique, met en scène « l’épidémie mondiale » que constitue le tabagisme à travers une infographie animée. Mais ces campagnes médiatiques sont-elles vraiment efficaces se demande le site « Pourquoi Docteur ». Réponses contrastées des experts …
• « Jouer sur la peur peut avoir l’effet inverse, et pousser à décupler sa consommation de tabac », affirme Jacques Lecomte (chercheur en psychologie positive et chargé de cours à l’université Paris Ouest Nanterre) qui a analysé une centaine d’études de campagnes basées sur la peur.
Face à des spots choc, une grande partie des fumeurs tenteraient de contrôler leur peur par des « mécanismes de défense psychologiques » : du déni (« le cancer, c’est pour les autres ») à l’évitement en passant par la pseudo reconquête de la liberté (« ils essaient de me manipuler, je vais les ignorer »). « Au final, au lieu de freiner sa consommation, la personne surmotivée pas ces mécanismes de défense inconscients fumera encore davantage ! », explique-t-il.
« Il est essentiel, lors d’une campagne de santé publique, de fournir une information constructive à la population sur les moyens lui permettant de modifier son comportement. Au Canada, on trouve, avec les messages de peur, des conseils concrets, comme : « Voici quatre moyens de combattre l’envie de fumer : attendez dix minutes, respirez profondément, buvez de l’eau et faites autre chose ». Et ça marche ! En France, seul un message sur 14 est positif dans notre stratégie actuelle », regrette-t-il.
• Pourtant, la peur reste l’un des ressorts les plus utilisés dans les campagnes anti-tabac. Les spots anglo-saxons font ainsi régulièrement sensation, à l’image d’une campagne américaine de mars 2012 utilisant des témoignages et des images-choc d’ex-fumeurs. Selon les autorités, plus de 100 000 personnes auraient arrêté de fumer à la suite de sa diffusion (voir Lmdt des 16 mars 2012 et 10 septembre 2013).
• Pour Karine Gallopel-Morvan (maître de conférences en marketing social à l’Ecole des hautes études en santé publique de Rennes ) combattre le tabagisme par la peur peut être une stratégie efficace : « certes, il y a des personnes que rien ne convainc, des sceptiques qui ne se sentiront pas concernés. Mais la peur et l’empathie restent des moteurs d’action plus intéressants que la simple information ».
Dans une étude, Karine Gallopel-Morvan a ainsi analysé l’utilisation de la peur dans les campagnes de prévention : « la méthode efficace consiste à varier les registres, les tons, les messages… Sinon les gens se lassent – un peu comme les marques. En France, depuis plusieurs années, on n’entendait plus aucun discours, aucun rappel des 73 000 morts par an ! L’avertissement « Fumer tue » est trop vieux. Il fallait le renouveler ; c’est chose faite ».