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12 Jan 2022 | Vapotage
 

Après l’avis controversé du Haut Conseil de Santé publique (voir 6, 10 et 11 janvier),  le professeur Bertrand Dautzenberg prend vivement la défense du vapotage dans un entretien avec Le Point.  

Le Point : Pourquoi trouvez-vous les conclusions du Haut Conseil de la Santé publique (HCSP) sur l’e-cigarette problématiques ?

• Bertrand DautzenbergElles sont paradoxales. Les auteurs admettent que la cigarette électronique peut aider certains fumeurs à cesser de fumer, mais à condition qu’ils passent à l’acte seuls ! Ils disent que les médecins n’ont pas à la conseiller. 

Le Point : Est-ce une position en rapport avec des risques associés au produit ?

• B.D. : Non. Les membres du HCSP le disent eux-mêmes : aucun élément, pour l’instant, ne permet de dire que vapoter présente un risque significatif. Ils plaident tout de même pour la création d’un organisme de « vapo-vigilance ». Cela n’a aucun sens : il existe déjà une réglementation et un système de vigilance impliquant en particulier l’Anses. En France, des millions de personnes utilisent des cigarettes électroniques depuis une dizaine d’années. À l’échelle mondiale, on parle de milliards d’utilisateurs. Des risques identifiés pour la santé, il n’y en a quasiment pas sans mésusage !  (…)

Le Point : Et en termes de bénéfices ?

• B.D. : Là aussi, les auteurs de l’avis du HCSP en conviennent : des études probantes en faveur de l’intérêt de la cigarette électronique, il y en a. Ils citent notamment une revue, Cochrane (organisation qui produit des revues systématiques de la recherche sur la santé humaine et les politiques de santé, ndlr), globalement positive. Mais ils estiment que les données de la littérature ne sont pas suffisantes pour recommander l’utilisation de ce dispositif comme moyen de sevrage tabagique parce que le niveau de preuve dont on dispose n’atteint pas celui exigé pour un médicament. Sur ce point, ils ont raison : la cigarette électronique ne peut pas prétendre au statut de médicament. (…)

Le HCSP en conclut que les médecins ne devraient pas « se mêler » de vape et qu’ils ne devraient pas conseiller la cigarette électronique pour arrêter de fumer. C’est une position purement morale et totalement contre-productive (…) 

Le Point : En quoi aide-t-elle à « décrocher » du tabac ? N’y a-t-il pas un risque de devenir « accro » à la cigarette électronique ?

• B.D. : (…) On observe que, chez 85 % des fumeurs, passer du tabac à la cigarette électronique entraîne naturellement une diminution de la dépendance à la nicotine, de l’ordre de 1 % par jour. Soit 90 % en trois mois. Un baromètre européen a comptabilisé 6 % de vapoteurs mais aussi 6 % d’ex-vapoteurs en France.

Donc cette idée de remplacement d’une addiction par une autre, de personnes qui vapotent « pour toujours », ne correspond pas à la réalité. Dans les faits, beaucoup de fumeurs ont recours à la cigarette électronique, puis cessent. Beaucoup de mes patients vapotent pendant trois, quatre mois, cinq mois éventuellement, pour ne pas retomber dans le tabac, puis arrêtent tout. Il y a cependant des exceptions : 15 % restent dépendants à la nicotine.

Le Point : On a aussi souvent l’image de vapoteurs qui jonglent entre tabac et cigarette électronique, sans parvenir à lâcher complètement la cigarette…

• B.D. : C’est un problème que pointe à juste raison le récent avis du HCSP, mais sans y apporter de solution. La plupart des gens maîtrisent bien la vape et savent comment s’en servir pour arrêter de fumer des cigarettes, d’autant qu’il existe une très bonne communauté d’entraide sur les réseaux sociaux et que les médecins sont de plus en plus formés.

Mais il y a, en effet, trop de « vapo-fumeurs ». Il s’agit souvent de personnes qui ne savent pas bien vapoter et qui ne vapotent pas assez de nicotine pour être bien « compensées » en nicotine. Le HCSP explique que les médecins ne doivent pas s’occuper de vape, en particulier pour ces « vapo-fumeurs », ce qui me semble une erreur (…) Déconseiller aux médecins de s’occuper d’eux est un frein à la sortie du tabac.