« Malboro 8 euros, Winston 7,50 euros » : dans ce quartier de Marseille, les prix des paquets de cigarettes sont tagués sur les murs.
Les revendeurs, tous en situation irrégulière, sont les derniers maillons de grands réseaux européens : la contrebande arrive d’Italie, d’Algérie, de Belgique. « Tu achètes quatre euros, tu vends cinq euros », explique l’un d’entre eux. « Je travaille toute la journée pour 25 euros, 30 max », affirme un autre.
C’est ainsi que débute un reportage de TF1 – signé Paul Géli et Maroine Jit, diffusé le 4 janvier – que nous reprenons.
•• Près de 40% des cigarettes consommées en France proviennent désormais du marché parallèle, selon une étude du cabinet Ernest & Young (voir 1er janvier).
Il faut dire qu’il n’a jamais été aussi facile de s’en procurer : les réseaux parallèles approvisionnent même les commerces légaux. Dans une épicerie du centre-ville de Marseille visitée par notre équipe, le paquet est vendu 7,50 euros, soit près de cinq euros de moins que dans un bureau de tabac. Sans même quitter son canapé, il est possible de trouver des cigarettes en quelques clics : sur le réseau social Snapchat, un vendeur, contacté par nos journalistes, propose de la livraison à domicile, « frais de livraison offerts ».
Ces contrefaçons ne viennent pas toujours de loin : elles sont de plus en plus fabriquées sur le territoire français, dans des ateliers clandestins. En moins de trois ans, six usines ont été démantelées en France, dans cinq départements différents. Toutes étaient tenues par des réseaux d’Europe de l’Est.
Ces chaînes de production, totalement illégales, sont extrêmement profitables pour les trafiquants : « Ça représente un investissement minime de l’ordre de 250 000 euros par mois », estime Guéric Jacquet, auteur de l’étude commandée par PhilipMorris International. « Et avec ça, au bout de trois mois, on réussit à gagner près de trois millions d’euros. Donc, on a un taux de rentabilité qui est supérieur à 75 % en trois mois. »
•• Le tout pour un risque faible, selon Stéphane Touquet, chef de la cellule « cigarettes » de la police de Marseille : la production de tabac est passible de trois ans de prison, une peine presque sept fois moins importante que pour les stupéfiants. « Ça génère énormément d’argent et ils risquent beaucoup moins. Donc on s’aperçoit qu’ils peuvent aussi récidiver assez facilement, puisque la punition n’est pas si grande », note le policier.
•• Conséquence de ce marché parallèle : les buralistes voient leur chiffre d’affaires dégringoler. L’année écoulée a été la pire pour la profession, avec une diminution de 11 % des volumes de ventes, selon la Confédération des buralistes. « Nous étions habitués, malheureusement, à une baisse des volumes entre 6 et 8% depuis ces cinq-six dernières années », explique son président national, Philippe Coy, qui déplore, pour 2024, « une chute précipitée ».