Dans La Charente Libre, Daniel Bruquel, le chef du Service de Prévention du Commerce illicite chez Philip Morris France (voir 4 mai) en convient.
Les enquêtes au long cours, comme celle initiée à Angoulême, qui permettent de remonter jusqu’au grossiste, plaque tournante d’un trafic international (voir 25 septembre), sont plus rares que les amendes douanières infligées aux transporteurs insolvables ou aux vendeurs des réseaux sociaux jugés en comparution immédiate.
C’est l’illustration de l’ampleur du phénomène.
•• « Une commande de 400 cartons, livrée depuis Millau à Jarnac, ce sont 20 000 cartouches contrefaites qui sont mises sur le marché parallèle. Un carton de 50 cartouches, c’est 1 000 à 1 200 euros. C’est 25 euros la cartouche achetée en Allemagne, revendue 35 aux « dealers » de Jarnac, 50 au consommateur final. C’est 500 euros de bénéfice par carton. Alors, sur 400 … »
Et si l’organisation est calquée sur le trafic de stupéfiants, avec des livraisons avec des voitures ouvreuses et des voitures porteuses, des usines clandestines et éphémères en Allemagne, en Belgique, ou dans les pays de l’Est, si les ouvriers n’en sortent jamais pour ne pas être repérés mais sont payés 3 500 euros par mois, c’est que les affaires sont juteuses
« En quelques années, les points de deal, les vendeurs à la sauvette, les ventes sur internet se sont multipliées », explique Daniel Bruquel, « mais les sanctions sont loin d’être identiques à celles qui frappent le trafic de stupéfiants ».
•• Pour Philip Morris, victime avec les trois quarts de la contrefaçon qui ciblent Marlboro, le préjudice est financier. Il se chiffre en milliards. « En 2018, la contrefaçon en France, c’était zéro. En 2020, c’était 15 %, c’est aujourd’hui 13 % de la consommation. 300 millions de paquets chaque année en France. C’est énorme ».
C’est aussi ce qui met à mal les finances de l’État. « Il se vend toujours autant de tabac, mais pas uniquement de chez nous », traduit Daniel Bruquel. Moins de taxes qui rentrent, mais une politique fiscale orientée à la hausse. Mais l’enjeu d’un tel procès, c’est d’expliquer qu’un trafic impacte l’État qui perd des milliards de taxes mais qui tous les ans augmente les taxes sur le tabac sans que les rentrées augmentent pour autant.
•• Premières victimes, les buralistes. Alain Lagarde, leur chef de file en Charente le rappelle.
« Il y a 173 buralistes en Charente. On a chuté de plus de 10 % à cause du marché parallèle, de la fiscalité qui a pris un sacré coup. C’est quatre milliards d’euros qui s’échappent chaque année des caisses. On est deux fois plus cher que l’Espagne ou l’Italie. » Les buralistes demandent toujours « un moratoire sur la fiscalité. »