Treize mois après l’entrée en vigueur de la loi « anti-Amazon », qui instaure un seuil minimum de frais de port pour les commandes en ligne de moins de 35 euros (voir 13 avril 2023 et 6 juin 2024), le géant de l’e-commerce a trouvé une brèche juridique.
« Les clients d’Amazon.fr bénéficient désormais de la livraison gratuite dans plus de 2 500 points de retrait pour leurs achats de livres », a annoncé Amazon, le 5 novembre, dans un communiqué repris par Les Échos.
•• Les réactions dans le milieu du livre, mais aussi des politiques, ne se sont pas fait attendre. « C’est scandaleux et désespérant. C’est un flagrant contournement de la loi qui se fait au détriment des libraires », assène la sénatrice Horizons Laure Darcos, qui a porté cette loi sur les frais de livraison du livre, promulguée fin 2021.
Mardi, la ministre la Culture, Rachida Dati, a annoncé, au Sénat, qu’elle allait saisir le médiateur du livre – l’autorité chargée de la conciliation des litiges portant sur le principe du prix unique du livre fixé par la loi Lang de 1981.
En 2014, une première loi sur le sujet, déjà surnommée « anti-Amazon », avait vu le jour. Celle-ci visait à mettre fin à la gratuité sur les frais de port du livre mais ne définissait pas de grilles tarifaires précises et par paliers. Résultat : Amazon l’avait immédiatement rendue caduque en facturant la livraison de livres… 0,01 euro.
•• Amazon souligne dans son communiqué que, désormais, la livraison gratuite qu’il propose « est disponible pour une sélection de points de retrait situés dans des commerces vendant notamment des livres ». Amazon fait valoir que la loi le permet. Une interprétation de texte qui n’est pas la même pour tout le monde.
« Cela s’apparente à un contournement de la loi qui dit que les frais de port peuvent être gratuits lorsque le livre est retiré dans un commerce de vente au détail de livres. La question est donc de savoir si un « locker » implanté dans un hypermarché correspond à cette définition. Pour notre part, nous en doutons », réagit Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la Librairie française (SLF), dont les adhérents pèsent plus des trois quarts du chiffre d’affaires national des librairies indépendantes.
« Amazon contourne l’esprit de la loi et essaie de jouer avec l’interprétation du texte », abonde Eric Lafraise, directeur des relations extérieures du Syndicat des distributeurs de loisirs culturels, regroupant notamment les enseignes Cultura et Le Furet du Nord. « À l’époque des débats sur la loi, l’idée de celle-ci était de faire venir davantage de personnes dans les librairies. Pas vers des lockers. »
Amazon rétorque que le dispositif passera certes par des lockers, mais que le retrait se fera aussi au comptoir ou à l’accueil des magasins concernés.