Ce 17 mai, le Conseil d’État a renvoyé devant la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) le sort de la mesure ayant mis fin à la quasi-gratuité des frais de livraison de livres en France et contre laquelle Amazon avait porté un recours auprès de la haute instance, rapporte Les Échos.
Depuis le mois d’octobre, un seuil réglementaire de 3 euros est imposé pour les frais de port du livre concernant les commandes en ligne inférieures à 35 euros. À compter de ce cap, l’expéditeur est en droit de proposer une simili-gratuité (0,01 centime d’euro) à ses clients (voir 13 avril 2023).
•• Cette mesure se veut une manière de rééquilibrer le jeu concurrentiel entre Amazon qui a longtemps offert les frais de ports pour les livres (mais pas sur les autres produits, y compris culturels) et ses rivaux dont les coûts de livraison sont moins facilement amortissables, étant donné les effets de taille. De fait, de nombreux acteurs – des petites librairies de quartier en passant par la FNAC – ont, à l’inverse d’Amazon, soutenu cette mesure.
La CJUE (Cour de Justice de l’ Union européenne) devra statuer sur la conformité de cet arrêté avec le droit européen. La décision est désormais attendue dans un délai de 18 à 24 mois.
« Cette mesure des frais de port du livre n’est qu’une simple normalisation et un alignement très proportionné des tarifs avec ceux d’autres produits. Aujourd’hui, un libraire indépendant dépense de sa poche près de huit euros pour envoyer un livre et rogne donc sur sa marge » souligne Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française, dont les adhérents pèsent plus des trois quarts du chiffre d’affaires national des librairies indépendantes.
•• Craignant qu’elle ne fasse tache d’huile en Europe, Amazon est parti en croisade contre cette mesure, arguant notamment que ces frais de port entravent le pouvoir d’achat. Le groupe multiplie les prises de paroles, contre-propositions (un tarif postal réduit) et a commandé plusieurs études en vue d’enlever du crédit à son efficacité.
« Depuis l’entrée en vigueur de cette mesure, le marché du livre ne s’est pas effondré. De plus, il faut impérativement préserver la densité du tissu de librairies pour conserver la diversité de l’offre éditoriale et cette mesure le permet », rétorque Guillaume Husson. « L’offensive actuelle d’Amazon est, pour eux, un angle d’attaque sur le prix unique du livre en France, qui les empêche de casser les prix, faire du dumping et de gagner des parts de marché qu’ils pourraient rentabiliser avec d’autres services comme le cloud ou la publicité. Ils invoquent le pouvoir d’achat, mais pourquoi n’offrent-ils pas alors les frais de port sur d’autres bien culturels comme les jeux vidéo ? ».