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27 Déc 2023 | Profession
 

Alors que certains élus plaident pour une hausse de la fiscalité comportementale, l’exécutif cherche d’autres leviers d’action. Décryptage de Julie Ruiz, journaliste économique au Figaro.

À l’approche de la nouvelle année, certains hésitent à prendre la résolution d’arrêter de fumer … Le prix du paquet qui va augmenter de 50 centimes à 1 euro selon les marques au 1er janvier, en convaincra probablement quelques-uns. Le paquet de Marlboro – le plus vendu en France – va ainsi passer à 12,50 euros.

Annoncés il y a un peu plus d’une semaine, ces nouveaux prix pour les cigarettes ont peut-être surpris les fumeurs les plus informés (voir 12 décembre 2023). En effet, lors de la présentation de son Plan anti-Tabac, le Gouvernement avait plutôt prévu que les paquets passeraient la barre des 12 euros en 2025 (voir 28 novembre 2023).

Plus déconcertant encore, Élisabeth Borne, en septembre, avait affirmé que le Gouvernement ne souhaitait pas augmenter la fiscalité sur le tabac en 2024 (voir 3 septembre 2023). « On a augmenté la fiscalité sur le tabac cette année et on ne prévoit pas de l’augmenter l’an prochain », avait affirmé la première ministre. En réalité, cette annonce concernait une éventuelle augmentation « supplémentaire » de la fiscalité sur le tabac.

Les parlementaires ont, en effet, voté en 2022 une indexation de la fiscalité tabac sur l’inflation (voir 3 décembre 2022). Ainsi, l’augmentation de janvier est une hausse « automatique » de la taxe tabac que les fabricants ne compenseront pas par une baisse de marge. D’où ce bond significatif jusqu’à 1 euro le paquet.

•• Et pourtant, les fumeurs peuvent s’estimer heureux …

Pendant l’examen du budget au Parlement – qui détermine entre autres la fiscalité pour l’année à venir -, plusieurs élus ont proposé des mesures pour corriger les mauvaises habitudes des Français – alcool, cigarettes, sucre … – à coups de matraque fiscale. Des amendements visaient à créer des taxes sur les produits innovants à base de nicotine – comme les vapoteuses – ou encore de supprimer le plafond d’augmentation de la fiscalité sur l’alcool (actuellement fixé à 1,75  % par an).

Au Sénat, plusieurs amendements de ce type ont été adoptés lors de l’examen du PLFSS (budget de la Sécurité sociale). Les sénateurs ont par exemple proposé une réforme de la taxe soda ou encore la création d’une catégorie fiscale unique pour le tabac à chauffer à l’unité.

Malgré cet enthousiasme parlementaire, Bercy se refuse à porter atteinte au pouvoir d’achat des Français déjà malmené par de longs mois de forte inflation. « Nous avons choisi de ne pas retenir ces amendements lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée (le texte est passé par 49.3, ndlr) », explique Bercy. « Nous tenons pour l’instant une position plutôt fermée sur des mesures fiscales sur ce sujet, nous préférons travailler sur d’autres leviers d’incitation. » Bref, comme le résume le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, « on ne peut pas non plus tout régler en créant des taxes ».

•• Cette position du Gouvernement peut être mise en relation avec les récentes évolutions des chiffres sur la taxe comportementale la plus emblématique : celle du tabac. Depuis 2019, le nombre de fumeurs en France est stable à un niveau élevé – environ 15 millions de personnes, selon Santé publique France -, alors même que le prix du paquet a augmenté de plus de 2 euros sur la période.

Ce modèle de renchérissement des taxes sur le tabac est analysé différemment par Yves Martinet, président du Comité national contre le Tabagisme (CNCT). « Pour qu’une augmentation du prix réduise la consommation, il faut qu’elle soit significative », explique-t-il. « En dessous de 10 % de hausse, cela n’a quasiment pas d’effet. »

Sur le plan des recettes, une mission de l’Assemblée nationale estime que le « marché parallèle » du tabac occasionne chaque année plus de 2,5 milliards d’euros de manque à gagner pour l’État. Ce marché parallèle, selon les associations antitabac, est principalement alimenté par la contrebande et par les achats frontaliers – parfaitement légaux.

•• Le Gouvernement semble se tourner vers des solutions qui, au lieu d’augmenter les prix en France, s’assurent que tous les fumeurs français achètent leur paquet au prix légal actuel, ce qui ferait baisser la consommation. En plus du « Plan fraude » actuellement mis en place par Bercy qui contient une branche douanière, Thomas Cazenave s’intéresse à la question des achats transfrontaliers.

Il a, par exemple, reçu récemment le député Horizons Frédéric Valletoux, porteur d’une proposition de loi qui vise à empêcher le « surapprovisionnement » des pays frontaliers par les fabricants de tabac en fixant chaque année une quantité limitée de tabac par territoire en fonction de la consommation nationale (voir 14 novembre 2023). Même si le cabinet du ministre trouve l’idée peu applicable au « niveau national », faire passer une mesure similaire au Parlement européen est pour l’instant une piste à l’étude.