La Cour d’Appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif de Montreuil qui avait refusé d’examiner, le 22 septembre dernier, les arguments de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) contre l’interdiction des narguilés sur les « espaces publics » de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).
La décision contestée avait été prise le 28 août 2020 par le maire fraîchement élu de Saint-Denis, Mathieu Hanotin (PS). Le successeur de Laurent Russier (PCF) entendait de cette façon mettre un terme aux « nuisances », notamment « sonores », des fumeurs de chicha, « en particulier lorsque les conditions météorologiques sont clémentes » (voir 1er septembre 2020).
•• Son arrêté avait, de fait, interdit les narguilés jusqu’au 31 janvier 2021 dans « l’enceinte des bâtiments publics, l’ensemble des places et espaces verts publics » ainsi que sur deux artères. La LDH avait saisi à l’époque la justice administrative pour sanctionner cette « atteinte à la liberté personnelle des administrés et à la liberté de disposer du domaine public ».
Bien que son champ d’action habituel dépasse le territoire de la seule commune de Saint-Denis, la LDH estimait être en droit d’attaquer cette décision, la mesure « affectant un groupe déterminé de la population locale ». La décision de Mathieu Hanotin était donc entachée d’un « détournement de pouvoir », puisque son arrêté n’était « ni adapté ni proportionné à l’atteinte à la tranquillité et à la santé publique qu’il entend prévenir ».
Le tribunal administratif de Montreuil ne s’était toutefois pas attardé sur le fond des arguments de l’association, estimant simplement qu’elle n’avait « pas d’intérêt à agir » contre cet arrêté municipal de portée seulement communale.
•• Mais la LDH est « une association nationale destinée à défendre les principes énoncés dans les Déclarations des droits de l’Homme (…) », recadre la cour administrative d’appel de Paris dans un arrêt du 24 mars 2023, qui vient d’être rendu public.
Ces textes ont notamment « pour objet de combattre l’injustice, l’illégalité, l’arbitraire, l’intolérance, toute forme de racisme et de discrimination », notent les juges parisiens. Or, en l’occurrence, l’interdiction des narguilés à Saint-Denis « est de nature à affecter de façon spécifique la liberté personnelle (…) de certaines personnes présentes sur le territoire de la commune », considère la cour administrative d’appel.
« Dans la mesure (…) où elle répond à une situation déjà rencontrée dans d’autres localités [comme Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine], la mesure (…) revêt une portée excédant son seul objet local », développent les trois magistrats. La LDH a donc « intérêt à agir » contre une telle décision.
Conséquence : le jugement du tribunal administratif de Montreuil a été annulé et le dossier a été renvoyé à cette juridiction de première instance pour qu’elle se penche, cette fois-ci, sur le fond du dossier.