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Face à lannonce d’une prochaine interdiction des sachets de nicotine (voir 30 octobre), un collectif daddictologues (William Lowenstein, Anne Borgne, Marion Adler, Nicolas Authier, Bertrand Lebeau-Leibovici, Philippe Arvers, Benjamin Rolland, Jean-Pierre Couteron) plaide, dans le Journal du Dimanche / JDD de ce 17 novembre, pour une régulation rigoureuse plutôt quun bannissement.

Ces alternatives, déjà éprouvées dans d’autres pays, offrent une chance supplémentaire aux fumeurs de réduire leur dépendance et leurs risques sanitaires. L’annonce de l’interdiction prochaine des sachets de nicotine en France à la veille du Mois  sans Tabac a plongé le monde de l’addictologie dans la consternation et l’indignation.

De prime abord, s’ils peuvent laisser perplexe car jusque-là peu connus en France, les « pouches » –  ces petits sachets de nicotine sans tabac ni combustion – sont pour de nombreux fumeurs une alternative supplémentaire face aux cigarettes classiques et un outil efficace dans la lutte contre le tabagisme, utilisés dans d’autres pays qui se préoccupent de la santé de leurs concitoyens et de leurs mineurs.

Au-delà de la moindre toxicité de ces produits, il est crucial de se demander si leur interdiction est efficace et proportionnée pour les fumeurs. Tout en gardant à l’esprit que la protection des jeunes contre l’initiation à la nicotine est essentielle pour guider la décision publique.

Si la décision d’interdire peut être légitime pour certaines catégories de produits, elle doit rester exceptionnelle par rapport à celle de réguler. En matière de produits nicotiniques, une réglementation rigoureuse permet en effet de concilier les objectifs de santé publique, la protection des mineurs et le droit des fumeurs adultes à disposer de produits moins nocifs les aidant à arrêter la cigarette. 

Aujourd’hui, les sachets de nicotine ne font l’objet d’aucune réglementation malgré la demande des parlementaires formalisée dans le rapport de l’OPECST de septembre 2023 (voir 2 octobre 2023) et mentionnée également dans le dernier Plan national de Lutte contre le Tabac.

Après des mois de vide juridique et de passivité réglementaire, le ministère de la Santé avance maintenant des cas d’intoxication et le risque d’initiation des jeunes pour justifier une interdiction. Mais faut-il vraiment s’étonner qu’en l’absence de règles claires, certaines dérives soient constatées ? L’État se présente comme le redresseur d’abus qu’il n’a pourtant pas cherché à prévenir.

•• Les « pouches » : un outil efficace dans la lutte contre le tabagisme

Les sachets de nicotine n’exposent pas aux substances toxiques produites par la fumée de cigarette, comme les goudrons et autres cancérogènes, responsables de cancers, de maladies cardiovasculaires et respiratoires.

Ces produits permettent aux consommateurs de contrôler leur dose de nicotine tout en se détachant de lhabitude de fumer. Cet usage progressif constitue une stratégie efficace pour de nombreux fumeurs qui cherchent à réduire leur dépendance au tabac et à se soustraire aux méfaits de la cigarette sur leur santé.

En effet, et même si la cigarette électronique aide de nombreux fumeurs à réduire leur consommation de cigarettes classiques, les profils de fumeurs sont multiples et il n’existe malheureusement pas une alternative miracle pour que tous arrêtent de fumer. Doù limportance majeure de disposer dune palette de solutions. 

Les sachets de nicotine ont ainsi déjà prouvé dans plusieurs pays leur capacité à réduire significativement les risques de maladies liées au tabagisme. C’est le cas par exemple de la Suède où le nombre de fumeurs est presque 5 fois inférieur à celui de la France et qui affiche aujourd’hui un des taux de cancers du poumon les plus bas d’Europe (voir 15 novembre 2024).

LInstitut fédéral allemand d’évaluation des risques (BfR) – autorité publique indépendante qui a évalué le risque sanitaire du produit – estime quant à lui que « le passage des cigarettes aux sachets de nicotine pourrait représenter une réduction des risques pour la santé d’un fumeur ». Une information pour le moins essentielle alors que 15 millions de Français continuent de fumer. Il y a sans doute matière à nous inspirer des réussites étrangères en termes de santé publique.

•• Contrôler la distribution pour protéger les jeunes et éviter le marché parallèle 

Les préoccupations autour des sachets de nicotine, notamment en ce qui concerne leur attractivité auprès des jeunes en raison des saveurs proposées, sont légitimes et compréhensibles et méritent une attention particulière.

Or, toutes les interdictions aboutissent au même résultat : le développement des achats clandestins qui échappent à tout contrôle et permettent aux jeunes daccéder facilement aux produits. La prohibition ne fonctionne pas, tout le monde connaît l’exemple de son échec dans le domaine de l’alcool aux États-Unis dans les années 1920.

Logiquement, ce pays fait aujourd’hui le choix de maintenir les sachets nicotiniques sur le marché tout en les encadrant strictement : interdiction des saveurs récréatives, publicité limitée, contrôle de l’âge d’achat et transparence sur les ingrédients.

La France ne pourrait-elle pas s’inspirer de ce qui fonctionne ailleurs ? Dans notre pays, la distribution très encadrée des sachets de nicotine est la première mesure dune réglementation à mettre en place urgemment, qui devra également interdire un marketing ciblant les jeunes. 

Sil y a dix ans, le Gouvernement avait eu le même réflexe sur la cigarette électronique, celle-ci aurait été interdite dans notre pays … Avec le recul, les autorités reconnaissent aujourd’hui que cet outil, utilisé par 3,5 millions de consommateurs, est efficace pour arrêter de fumer. La preuve avec le Royaume-Uni qui, à l’inverse de la France, a divisé par deux son nombre de fumeurs grâce à la vape.

Cet exemple justifie à lui seul le bien-fondé et la nécessité d’encourager les fumeurs à adopter des alternatives moins nocives que la cigarette, responsable de 75 000 décès par an dans notre pays. Alors que les politiques mises en place ces dernières années arrivent à bout de souffle, ne nous tirons pas une balle dans le pied pour un bénéfice politique fugace et sans portée.

Tandis que le nombre de fumeurs en France stagne de manière inquiétante, l’heure ne doit pas être à l’interdiction des alternatives mais à leur encadrement.