En une décennie, la diffusion papier de la PQR (Presse quotidienne régionale) a diminué de 37 %.
Les plans sociaux dévoilés en cette fin d’année par les titres Midi Libre et La Voix du Nord, avec respectivement une quarantaine et une centaine de postes visés, ont remis sur le devant de la scène une partie des difficultés que traverse aujourd’hui la filière. Enquête du Figaro.
Dans un contexte macroéconomique dégradé, la PQR tente de préserver un marché de la vente « papier » auquel beaucoup de ses lecteurs sont attachés (leur âge moyen est de 60 ans), mais dont les coûts de fabrication et de diffusion s’accroissent.
•• Ces derniers mois, la tonne de papier a en effet connu une envolée spectaculaire, passant de 400 à 1 000 euros en décembre 2022. Alors même que l’achat du papier représente plus d’un tiers du coût de fabrication d’un journal … À cette facture salée viennent s’ajouter les surcoûts liés à l’augmentation des frais d’impression et de transports, avec la flambée des prix de l’énergie.
Devant cette nouvelle réalité, les patrons de presse sont plus que jamais à l’affût d’économies. « Entre 2021 et 2023, le surcoût a atteint 10 millions d’euros pour Sud-Ouest », explique au Figaro Nicolas Sterckx, directeur général du groupe.
Pour le groupe Ebra (Le Dauphiné libéré, Le Progrès, L’Est républicain…), le surcoût sur deux ans est estimé à 25 millions d’euros, soit l’équivalent de 5 % de son chiffre d’affaires. Du côté de Ouest-France, imprimé à 700 000 exemplaires par jour en semaine et près de 350 000 le samedi soir pour Dimanche Ouest-France, les hausses représentent 15 millions d’euros.
À l’instar de la presse quotidienne nationale (PQN), les éditeurs de titres régionaux seront bientôt éligibles au fonds d’aide à la presse, récemment mis en place par l’État. Doté d’une enveloppe de 30 millions d’euros, ce fonds est néanmoins jugé « très insuffisant » par un bon nombre d’acteurs du secteur.
•• Au-delà de l’inflation, l’autre dossier brûlant pour la PQR concerne … le portage.
Le départ, depuis la pandémie, de nombreux porteurs de journaux à travers les régions, couplé aux difficultés d’embauches liées à des conditions de travail difficiles (horaires de nuit et bas salaires), n’a cessé d’endommager la qualité des services de livraison aux abonnés. Tous les éditeurs interrogés par Le Figaro s’inquiètent d’une accélération de la décrue des abonnés au journal papier.
Sans pouvoir compter sur les services de La Poste, qui ne livre le journal qu’en milieu de matinée, la filière espère trouver en urgence des solutions pour rendre le métier de porteur plus attractif, en augmentant par exemple les indemnités kilométriques.
•• Depuis une décennie, la diffusion papier de la PQR a diminué de 37 %, contre 75 % pour la PQN. Mais si les titres de presse nationale ont largement entamé la transformation de leur modèle économique, en faisant des abonnements numériques la mère de toutes les batailles, les titres régionaux sont, eux, bien plus à la peine…
Les ventes d’exemplaires numériques ne représentent aujourd’hui que 15 % de leur chiffre d’affaires, contre près de 65 % pour la PQN.
Désormais, les patrons de presse ont tous une formule en tête, résume un bon connaisseur du secteur : « c’est le grand-père qui lit le papier, le père qui consulte l’information sur les tablettes et le fils qui regarde les vidéos sur son smartphone. »
•• L’année fut également celle des grandes manœuvres, avec le rachat du quotidien très fragilisé La Provence, par un nouvel acteur des médias : l’armateur CMA-CGM. Le titre marseillais compte investir massivement pour doper ses abonnements numériques (15 000 aujourd’hui), et renouer avec les bénéfices d’ici quatre ans.
Dans l’univers de la PQR, le groupe Ouest-France s’illustre comme l’un des exemples à suivre. Il compte 450 000 abonnés papier, 185 000 abonnés numériques et surtout, réalise 70 % de son audience numérique en dehors de ses territoires de prédilection.
« Le terme PQR ne définit plus ce que nous sommes », affirme son directeur des rédactions, François- Xavier Lefranc, « pour nous, la bascule vers le numérique est l’opportunité de s’affirmer comme le média de la diversité de l’Hexagone, en se tournant notamment vers les territoires ultramarins ». Doté d’une rédaction de 620 journalistes, Ouest-France vise 230 000 abonnés numériques à fin 2024. « C’est le journalisme qui sauvera la PQR. C’est sur la rédaction et la qualité qu’il ne faut jamais cesser d’investir », ajoute François-Xavier Lefranc.
•• Certains fleurons de la PQR, tels que le groupe Ebra ou Sud-Ouest, choisissent de plus en plus de diversifier leurs revenus, à travers la conquête du terrain audiovisuel.
« Notre pôle, qui produit par exemple des reportages pour la télévision, a vocation à grandir », explique Nicolas Sterckx , « il y a urgence à faire monter nos nouvelles offres et à changer quasiment de métier en virant dans le multimédia. » Voir aussi 9 novembre