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6 Mar 2024 | Trafic
 

Chaque jour, vers 17 heures, la rue Marx-Dormoy, entre les stations de métro La Chapelle et Marx Dormoy, se métamorphose en plaque tournante du trafic de cigarettes de contrebande rapporte Le Parisien (édition du 5 mars que nous reprenons).

Ces marchands dans l’illégalité (et la misère) – dont beaucoup ont fui, depuis l’été 2021, le régime des talibans – « squattent » les deux trottoirs, par grappes. Entre eux et leurs compatriotes qui tentent d’écouler des baskets, des poulets dans un carton ou des déodorants, il est difficile, pour les riverains, de se frayer un chemin. C’est ainsi que démarre cette grande enquête du Parisien sur la « mainmise afghane » dans le quartier Marx Dormoy ( voir 11 octobre 2023).

•• Présent de longue date sur le secteur, ce commerce est désormais contrôlé et animé par des Afghans à la suite dune « guerre de territoire ».  « Avant, ici, c’était les « reubeus » qui avaient les clopes, mais ils se sont fait bouffer » observe un ancien du quartier. « Ils les ont repoussés vers leur fief de Barbès, ça a commencé il y a quelques années, ce n’était pas des bagarres, mais des batailles rangées ! Ils ont conquis le trottoir par la force » décrit un commerçant bien installé qui, lors de ces rixes, se souvient avoir dû barricader son magasin.

Un policier dinvestigation du 18ème confirme que des Afghans ont « pris le leadership » de ce marché et font même « travailler les autres communautés supplantées au fil de leau » en les « alimentant en marchandises » frauduleuses.

Selon lui, les maîtres d’œuvre de ces combines « emploient nombre de clandestins, principalement des nouveaux venus en quête de gains faciles, pour pouvoir survivre en France ». Ils ont démarré « comme simples vendeurs à la sauvette, pour gravir les échelons et devenir des ravitailleurs puis des petits leaders locaux ». D’après cet officier, « des appartements nourrices (où sont stockés les produits) et des boxes de résidence » servent à abriter et alimenter le trafic local.

Mais les « véritables points de stockage de masse » se situent « en banlieue, voire en province » afin de réceptionner les « énormes quantités contrefaites venues des pays étrangers, notamment de lEurope de lEst », mais aussi désormais de « sites de production en France pour limiter les risques dinterception aux frontières » (voir 31 décembre et 14 avril 2023). Dans la rue, les cachettes sont légion : égouts, toits des abribus et même poubelles. « Quand les éboueurs passent, ils se ruent sur les bacs pour récupérer leur marchandise », observe un habitant, dans le coin depuis deux décennies.

•• Selon la préfecture de police (PP) de Paris, consciente du problème, des « opérations quotidiennes de contrôle » sont menées.

Entre septembre 2022 et décembre 2023, dans le quartier, 80 Afghans ont été placés en garde à vue : 30 % pour des ventes à la sauvette et trafic de cigarettes, 45 % pour « infraction à la législation sur les stupéfiants » et environ un quart pour des affaires de vols ou violences, « souvent en rapport » avec ces différentes activités illégales.

En mars 2023, la Brigade sauvettes et contrefaçons du 18e arrondissement a mis la main sur une tonne de tabac à chiquer et 560 cartouches de cigarettes, « réparties dans des boxes de la région parisienne loués par des membres de la communauté afghane » selon la PP. Montant du butin : près de 600 000 euros à en croire un enquêteur de l’arrondissement. D’après lui, le trafic s’organisait depuis l’étranger, de l’Angleterre pour « le donneur d’ordre », avec « des comptes bancaires en Belgique ». Il faisait travailler « des dizaines de vendeurs à la sauvette », en grande partie des Afghans.

•• En juin 2023, la police judiciaire démantelait un trafic de cigarettes sévissant au métro La Chapelle, avec la saisie de 1 425 cartouches et l’arrestation de six Afghans, dont la tête de réseau présumée.  Mais face à un « phénomène croissant » aux yeux de ce même policier, il est « très difficile de déloger ce trafic bien implanté ».

« Le ménage va être fait avant les JO », pronostique l’un de ses collègues. Un riverain, fataliste, lui, se projette au-delà des Olympiades : « dès que ça sera fini, les vendeurs à la sauvette reviendront, comme toujours … ».