L’inflation du prix du tabac a profité aux réseaux de contrebande bien organisés. Mais ils ne sont pas les seuls à saisir l’opportunité. Des particuliers n’hésitent plus à trafiquer pour « arrondir leur fin de mois ». Enquête de La Dépêche du Midi.
Attablés sur la terrasse d’un bar-tabac, au pied d’un immeuble sans âme de 11 étages du quartier des Minimes à Toulouse, des clients sortent des cigarettes de leurs paquets colorés devant leur café fumant. Des clopes qui proviennent d’un trafic implanté à moins d’un mètre d’eux et auquel certains participent.
•• Le buraliste témoigne : « ils font leur business très discrètement. Dès que j’ai le dos tourné, ils proposent des cigarettes de contrebande aux passants. Ce sont des clients qui me signalent ce qu’ils viennent de faire. »
Selon lui, il s’agit d’un réseau de clandestins algériens, qui prospère depuis au moins cinq ans : « quand j’ai repris l’affaire, ils étaient déjà présents. Ils font partie du décor et ça ne semble pas déranger la police, à qui j’ai déjà signalé leur présence à de multiples reprises ».
À quelques kilomètres de là, à Aucamville (au nord de Toulouse), un confrère confronté au même problème. Des trafiquants effectuent des rondes dans un périmètre de 300 mètres autour du commerce en trottinettes électrique depuis le mois de mars : « ils hèlent nos potentiels clients et leur proposent des paquets de cigarettes à 7 euros. Les personnes au faible pouvoir d’achat leur en achètent. »
•• Ce marché parallèle a un impact considérable sur le chiffre d’affaires des bureaux de tabac : en 2022, les livraisons de tabac ont baissé de 6,3 % en Haute-Garonne. Les trafiquants ne sont plus les seuls à provoquer l’érosion de l’activité des buralistes. Dans le département, des particuliers n’hésitent plus à profiter de la proximité avec l’Andorre afin de s’approvisionner en cartouche de cigarettes.
Le phénomène n’est pas nouveau mais il prend de l’ampleur au fil des mois. « Le profil est divers : cela va du retraité qui veut arrondir ses fins de mois aux jeunes de 25 ans qui autofinancent leur propre consommation », précise Frédéric Pailhé, le président de la fédération des buralistes de Haute-Garonne.
Un étudiant à Toulouse, multiplie les allers-retours au Pas-de-la-Case. Il est l’un de ces « nouveaux trafiquants » : « je prends toujours quelques cartouches supplémentaires. Je les revends à des amis », confie-t-il. Il en tire un bénéfice de 200 à 300 euros par mois.
Selon Frédéric Pailhé, près d’une cigarette sur deux est issue du trafic. « Le prix des paquets va encore augmenter. La contrebande va suivre … », analyse-t-il, toujours dans La Dépêche du Midi. Photo : La Dépêche du Midi