C’est à partir de ce 7 novembre que le Sénat examine la partie du PLFSS (Projet de Loi de Financement contre la Sécurité sociale pour 2023) – ayant fait l’objet d’un 49.3 du Gouvernement lors de son passage à l’Assemblée nationale – reprenant l’augmentation de la fiscalité du tabac annoncée par la première ministre Élisabeth Borne (voir 26 septembre).
À cette occasion, plusieurs amendements de sénateurs demandent la suppression de la mesure ou des aménagements allant dans le sens d’une plus grande modération et d’un meilleur respect des équilibres que ne le fait l’article du Gouvernement. En voici des exemples.
•• Tel un amendement de Laurent Burgoa (sénateur du Gard, Les Républicains / voir 28 mai), co-signé par 11 collègues. Extraits de l’objet de cet amendement de suppression.
« Les buralistes, forts de leur maillage territorial de 23 500 points de vente, sont les seuls habilités à distribuer les produits du tabac dans le cadre d’un contrat de gérance passé avec l’État qui en fait des préposés de l’administration.
Depuis 2018, les buralistes se sont engagés dans une grande démarche de transformation de leurs points de vente ainsi que de leur modèle économique, ce qui fait d’eux des commerçants d’utilité locale à part entière et non plus des simples débitants de tabac. Ils se retrouvent malgré tout confrontés depuis plusieurs années à l’essor du marché parallèle du tabac (contrebande, contrefaçon, achats transfrontaliers).
Le rapport Woerth-Park de la Mission d’information de la commission des finances relative à l’évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement a pu mesurer que plus de 30% des cigarettes consommées en France étaient achetées en dehors du réseau des buralistes qui sont pourtant les seuls habilités par l’État à la vente de ces produits.
L’introduction par cet article de nouvelles dispositions fiscales conduisant à augmenter les prix des produits du tabac renforcera mécaniquement ce marché parallèle et les multiples effets néfastes qu’il engendre (…) Une telle révision de la fiscalité risquerait aussi de précipiter massivement de nouveaux consommateurs de tabac vers ce marché parallèle, de plus en plus capté par les mafias qui organisent ces trafics.
Le présent article procède surtout à une augmentation brutale de la fiscalité sur le tabac à rouler (une augmentation de 15 %). Le report de consommation s’effectuera immanquablement vers l’achat illicite : le marché parallèle, sous toutes ses formes.
À l’heure ou le pouvoir d’achat des Français se retrouve compromis par la forte hausse ininterrompue des prix, cette révision de la fiscalité risque de grever considérablement la situation financière déjà précaire des consommateurs. Il serait au contraire bien plus opportun de mettre l’accent sur la prévention du tabagisme tout en continuant à soutenir le réseau des buralistes dont la réactivité et le dévouement pendant la crise sanitaire ne sont plus à démontrer (…)
Cette mesure comporte ainsi de nombreux effets pervers et risque de s’avérer finalement totalement inefficace, voire même contre-productive. Une révision de la fiscalité ne peut se passer d’une véritable action à l’encontre du marché parallèle du tabac et d’une poursuite du projet de transformation du réseau des buralistes qui arrive à échéance fin 2022 et dont la reconduction est indispensable. »
•• Tel un amendement de Jean-Baptiste Lemoyne (sénateur de l’Yonne, RDPI / Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants / voir 9 février). Objet de cet amendement.
« Le présent article prévoit une hausse de la fiscalité du tabac dont base de calcul du déplafonnement des droits d’accise repose sur l’inflation hors tabac cumulant les taux constatés pour 2021 (1,6 %) et pour 2022 (5,4 %).
Dans le contexte de hausse générale des prix, et compte tenu des hausses régulières du prix du tabac depuis plusieurs années, il n’est pas opportun d’augmenter les prix du tabac au-delà de l’inflation annuelle. Toute hausse excessive n’aura que pour effet de renforcer l’achat de tabac par d’autres canaux que ceux des préposés par l’administration que sont les buralistes. »
•• Tel un amendement d’Alain Milon (sénateur du Vaucluse, Les Républicains). Objet de cet amendement.
« Le gouvernement souhaite augmenter la pression fiscale sur les produits du tabac à travers cet article 8, réécrit par cet amendement, au motif que les précédentes augmentations de ces dernières années auraient démontré leur efficacité pour lutter contre le tabagisme, mesurée à l’aune de la baisse des volumes de tabac mis à la consommation en France. Les différentes périodes de fermetures de frontières et de confinements en 2020 ont démontré que près de 2 millions de fumeurs français n’avaient pas arrêté de fumer, mais se fournissaient à l’étranger ou via la contrebande et la contrefaçon, comme rappelé par le rapport parlementaire Woerth-Park. Les dernières données du ministère de la Santé évoquent d’ailleurs cette stagnation de la prévalence tabagique.
Dans l’idée de revaloriser les tarifs à hauteur de l’inflation et renforcer ainsi les recettes fiscales étatiques, le gouvernement tente de justifier cette augmentation dans un souci de prévention en matière de santé publique.
Or, une nouvelle augmentation de la fiscalité conduirait irrémédiablement à un report de la consommation vers des produits contrefaits, au détriment de la santé des consommateurs, des buralistes et des finances publiques, surtout dans ces proportions.
Si on peut estimer qu’il n’est pas inconcevable que les produits du tabac échappent à la hausse de l’inflation, la Première ministre elle-même a déclaré que dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l’augmentation de la fiscalité devait être alignée avec le taux d’inflation (…) Or, l‘inflation est mesurée à 5,5 % alors que la hausse de la fiscalité est de 7,1 % pour les cigarettes et de 14,5 % pour le tabac fine coupe par exemple.
Pour ces raisons, cet amendement prévoit bien une hausse de la fiscalité des produits du tabac mais de 5,5 %, soit à la hauteur de l’inflation prévue pour 2022.
Par ailleurs, dans un souci d’éviter un écrasement du marché et d’avantager le leader du marché, il est proposé de limiter la hausse du minimum de perception à deux tiers de la hausse de la part spécifique, ce qui revient à augmenter la part spécifique 1,5 fois plus que le minimum de perception. Ce dispositif doit permettre d’éviter que les marques dites « premium » bénéficient d’un avantage commercial du fait d’une hausse du minimum de perception trop importante par rapport à la hausse de la part spécifique. »