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20 Nov 2022 | Profession
 

Si tous les amendements au Budget 2023 adoptés par les oppositions étaient repris, le paquet de cigarette passerait à … 21 euros. Cette estimation, réalisée par l’Institut Montaigne pour Le Figaro du 18 novembre, permet de revenir sur le curieux phénomène parlementaire des « gages tabac ». 

Ce calcul théorique de l’Institut Montaigne résulte aussi d’une pratique parlementaire bien ancrée ou plus exactement … d’une stratégie de contournement.

•• Lorsqu’ils examinent le budget annuel de l’État, les députés et sénateurs ne peuvent ni baisser les recettes ni augmenter les dépenses pour éviter d’enfoncer un peu plus les comptes publics dans le rouge (article 40 de la Constitution).

Concrètement, lorsqu’ils déposent leurs nombreux amendements visant à baisser les ressources financières lors de l’examen de la première partie du budget consacré aux recettes, les parlementaires prévoient toujours une contrepartie financière via l’augmentation d’une autre taxe.

Dans le jargon, c’est le « gage » budgétaire qui consiste, dans la majorité des cas …en une hausse de la fiscalité sur le tabac et, plus rarement, sur l’alcool. Et les groupes politiques de tout bord se prêtent allègrement à ce jeu coutumier (c’est  une facilité permettant de déposer les amendements mais les dispensant de travailler pour rechercher de vraies recettes ailleurs / voir 17 décembre 2019, 16 octobre 2015).

•• Un jeu très théorique, donc, car les parlementaires savent que cette hausse de la fiscalité sur le tabac, en cas d’adoption de leur amendement, ne sera pas appliquée … le « gage » étant – sauf cas très exceptionnels – levé par le Gouvernement. « Et même si l’exécutif oublie de lever ces gages, ils ne sont jamais appliqués », pointe un expert budgétaire. Bref, tout le monde s’en accommode reprend Le Figaro.

Les estimations de l’Institut Montaigne concernant le seul budget 2023 actuellement examiné au Sénat en donnent une parfaite illustration. 

•• Si ces gages étaient appliqués, les 700 millions d’euros d’amendements réduisant les recettes adoptées en première lecture du texte par le Gouvernement auraient pour effet une hausse du prix du paquet de 20 cigarettes de 1,04 euro à partir de janvier prochain. Une augmentation qui s’ajouterait à celle de 85 centimes sur deux ans déjà actée dans le budget de la Sécu (voir 26 septembre).

Résultat : si les gages n’ étaient pas levés, le prix du paquet progresserait de pas moins de 2 euros, passant de 10,16 à 11,72 euros l’an prochain, puis à 12,04 euros en 2024 et 12,19 euros en 2025.

Si les gages sur le tabac de ces 7 milliards d’euros d’amendements de moindres recettes des oppositions – qui ont été votés en commission des finances de l’Assemblée contre l’avis du Gouvernement – étaient appliqués, le paquet de cigarettes bondirait théoriquement à … 21 euros!

« Cette pratique déresponsabilise les parlementaires. Elle ne les incite pas à faire un travail rigoureux de chiffrage de leurs amendements et de réflexion sur les effets budgétaires », déplore en conclusion Lisa Thomas-Darbois, de l’Institut Montaigne.