Coordinatrice de Students for Liberty France et collaboratrice de Young Voices, Élodie Messéant signe dans Contrepoints (média en ligne qui couvre l’actualité sous l’angle libéral / voir 18 août 2018) une tribune sur les augmentations de fiscalité du tabac d’ici 2024, annoncé par le Gouvernement (voir 27 septembre) dans le cadre du Projet de Loi de Financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2023). Extraits.
(…) Bien que cette mesure s’inscrit dans l’augmentation continue du prix des cigarettes depuis une vingtaine d’années – avec un prix moyen de moins de 4 euros en 2002, à un peu moins de 10 euros en 2020 – il existe un grand nombre de raisons pour douter de son efficacité.
•• En apparence, l’impact d’une telle fiscalité comportementale peut paraître efficace. On constate une baisse progressive de la vente de cigarettes par rapport à la hausse des taxes (composées actuellement de 55 % d’accise proportionnelle et environ 16,7 % de TVA pour un paquet).
Pour autant, ces données sont à relativiser face au développement inévitable du marché noir, conséquence indirecte de ces politiques paternalistes. En effet, la baisse des ventes officielles de cigarettes ne préjuge rien du niveau de consommation. Ainsi, le commerce parallèle a explosé en Europe depuis les restrictions sanitaires liées au Covid.
Par ailleurs, la France compte parmi les plus gros consommateurs d’Europe – plus d’un Français sur quatre fume tous les jours -, alors qu’il s’agit du deuxième pays à la fiscalité la plus prohibitive de l’UE après l’Irlande, et le deuxième pays au monde à avoir mis en place le paquet neutre (là où le marketing de l’État se substitue à celui de l’industrie du tabac dans une optique de désincitation à l’achat).
•• Il est pourtant des leçons économiques connues depuis près de deux siècles, mais passablement ignorées par la classe politique. Au XIXe siècle, Bastiat théorise l’existence de coûts cachés par une formule simple : en économie, il y a ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas.
L’intervention de l’État au nom de la poursuite d’un bien commun se traduit le plus souvent par des conséquences délétères qui se manifestent indirectement, et entretiennent l’illusion qu’une telle intervention est bénéfique.
C’est bien là tout le problème : les hommes politiques anticipent rarement les conséquences négatives de leurs actions. L’échec de la prohibition aux États-Unis, de 1920 à 1933, est une illustration concrète de cette théorie. À défaut de réduire la consommation d’alcool à long terme, elle a favorisé le développement du marché noir et de la violence ( …)
•• Ce précédent historique n’est pas substantiellement différent de la situation actuelle : en matière de tabac, une fiscalité prohibitive incite les consommateurs à se tourner vers des moyens illégaux.
Bien entendu, les dernières statistiques sur le marché noir du tabac en France ont été remises en cause par le Comité de Lutte contre le Tabagisme. Selon ce dernier : « la hantise du développement d’un marché parallèle ne doit pas être un prétexte pour renoncer aux politiques de prévention ». Même lorsqu’elles sont inefficaces ?
•• Dans une optique de lutte contre le tabagisme, la France aurait beaucoup à apprendre d’autres pays étrangers.
À ce titre, le Royaume-Uni a vu son taux de fumeurs considérablement diminuer en 10 ans – de 24,1 % en 2010 à 15,4 % en 2020 -, notamment grâce à l’adoption d’une fiscalité proportionnelle au risque.
L’idée consiste à créer une incitation économique à la consommation de produits moins dangereux pour la santé, tels que les cigarettes électroniques. Cette politique de bon sens semble porter ses fruits puisqu’on estime, rien qu’en 2017, que plus de 500 000 personnes sont parvenues à cesser de fumer grâce à la cigarette électronique.
D’autres pays, comme l’Allemagne, préfèrent traiter leurs citoyens pour ce qu’ils sont : des adultes responsables. Bien entendu, il existe toujours un certain nombre de restrictions – notamment au niveau de la publicité -, mais le niveau de tolérance générale semble plus élevé que dans la plupart des autres pays européens : les taxes sur le tabac et les cigarettes électroniques sont parmi les plus faibles de l’UE.
Mais au vu du commerce juteux que le tabagisme représente pour l’État français, il est difficile d’imaginer un revirement drastique dans les années à venir.