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9 Jan 2023 | Pression normative
 

Bernard Farges, président du CNIV (Comité national des Interprofessions de Vins à Apellation d’Origine et à Indication géographique), et Samuel Montgermont, président de Vin & Société, expliquent la position de la filière vitivinicole sur le Dry January / Mois sans Alcool dans une tribune publiée par Le Journal du Dimanche

Rappelons que le Mois sans Alcool a mobilisé 16 000 inscrits l’année dernière (voir 4 janvier 2022, 7 février 2021).
Selon eux, le concept importé de Grande-Bretagne cache la réalité de la déconsommation – progressive mais réelle – de vin en France.

Concept d’importation britannique, le Dry January, autrement dit un « mois de janvier sans alcool », peine à convaincre en France. En dépit de l’activisme de ses promoteurs et de la publicité que lui donnent les médias, il y est peu soutenu et faiblement suivi. Seulement 16 000 inscrits officiels ont ainsi été recensés en janvier 2022.

Faut-il en déduire que notre pays est peu enclin à la modération en matière d’alcool et réfractaire à toute sensibilisation sur le sujet ? Assurément non, bien au contraire, et c’est sans doute là la principale explication du peu d’adhésion qu’y connait le « mois sans alcool ».

•• En France, la consommation d’alcool est en baisse constante depuis 60 ans. Fait notable : la plus forte baisse concerne le vin, dont la consommation a chuté de 70 % sur cette période.

On constate également une nette tendance à la baisse des usages d’alcool chez les jeunes, y compris pour les premières expériences : en 2017, plus de 14 % des adolescents de 17 ans déclaraient n’avoir jamais bu d’alcool, contre seulement 4,4 % en 2002. 

Faut-il également rappeler que depuis la loi Évin, nous vivons dans le pays d’Europe qui connaît la législation la plus dure en matière d’encadrement de la publicité et de l’information sur le sujet ? 

•• La modération est désormais un fait de société. Les Français boivent peu et dans le respect des repères de modération définis par Santé Publique France : plus de 9 sur 10 ne boivent pas tous les jours et 8 sur 10 boivent moins de deux verres par jour quand ils consomment de l’alcool. 

Les phénomènes de surconsommation addictive concernent une infime minorité de consommateurs –, et ce n’est pas à celle-ci que s’adresse le Dry January. Autrement dit, ce dispositif n’a pas d’effet sur les consommateurs excessifs (…)

Le Dry January réussit cependant chaque année à faire le buzz et sa médiatisation laisse à penser que nous versons collectivement dans l’excès, a contrario des faits. Ce faisant, il contribue à faire écran au défi majeur que vit toute la filière viti-vinicole : une déconsommation massive, notamment chez les moins de 50 ans.

•• En apparence, notre pays – deuxième producteur mondial – reste la grande « patrie du vin » et les Français conservent un profond attachement à ce produit qui bénéficie d’une forte image patrimoniale. 

Dans les faits, pourtant, un phénomène profond de « déconsommation » est bel et bien établi depuis plus d’un demi-siècle. Le spectre des consommateurs s’est réduit considérablement, pour se concentrer chez les plus de 55 ans. Une vraie rupture générationnelle s’est peu à peu installée. Pour les moins de 50 ans, le vin n’est plus une référence dans leurs rituels de convivialité et dans leur gastronomie. Le vin ne fait plus partie de la culture des générations Y (les 43-29 ans) ou Z (- de 28 ans).

•• La bataille de la modération, à laquelle l’ensemble de la filière vitivinicole a contribué en promouvant la consommation responsable, a été gagnée collectivement. Et l’on peut s’en féliciter ! Aujourd’hui, nous constatons qu’une autre bataille est en train d’être perdue : celle de la transmission …

De multiples causes expliquent ce phénomène mais il n’est pas sans conséquence. Souhaitons-nous que dans les années à venir le vin soit encore sur nos tables ou qu’il fasse son entrée au musée ? Si rien n’est fait pour enrayer cette perte de transmission c’est l’un des plus gros plans sociaux du siècle qui pourrait bien frapper toute la filière. En 10 ans, 20 000 exploitations ont été supprimées. Sur les 10 prochaines années, ce sont entre 100 et 150 000 emplois directs et indirects qui risquent de disparaitre.

Dans une société aseptisée parfois jusqu’à l’absurde, le vin a ce pouvoir de conjuguer plaisir, culture et modération ! C’est avec cette ambition que la filière vitivinicole française souhaite perpétuer la place du vin dans notre société. Photo : Getty