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30 Avr 2020 | Observatoire
 

Frontières fermées, trafic ralenti, confinement qui chamboule le quotidien …

Face aux conséquences du coronavirus, les usagers de drogues se débrouillent comme ils peuvent et les professionnels de santé craignent des excès pour pallier la pénurie qui se profile, relate Romain Fonsegrives dans une dépêche AFP que nous reprenons.

•• Quand le confinement a été annoncé mi-mars, « Salomé » ne s’est pas précipitée dans un point de deal comme tant d’autres franciliens. L’institutrice, qui fume quotidiennement, comptait sur son stock habituel de cannabis.

Lors du ravitaillement début avril, mauvaise surprise. « C’était difficile de trouver et les prix avaient doublé ou triplé » raconte la quadragénaire. Par une commande groupée, elle et ses amis ont pu se faire livrer « 100 grammes de shit (résine de cannabis, ndlr) pour 620 euros, au lieu de 380 euros habituellement ».

Écœurée par cette inflation, l’enseignante envisage de « faire une pause ». Mais après 25 ans de fumette, « ce serait plus contraignant ». D’autant qu’avec le télétravail, elle a légèrement augmenté sa consommation, « comme en vacances ».

•• « Quand t’as ce qu’il te faut, si tu fumes pas tu t’en fous. Mais le stress, c’est de rien avoir » témoigne « Eliott »en Vendée.

Le trentenaire, qui « achète à 90 % de la weed (herbe de cannabis, ndlr) locale », est serein. « La fermeture des frontières, ça me touche pas » jubile ce cuisinier, dont certaines connaissances commandent désormais sur le darknet. « Tout le monde dit que c’est la galère, mais il suffit de connaître les paysans du coin ».

•• La production d’herbe en France n’est pourtant « pas suffisamment importante pour répondre à la demande nationale » observe Michel Gandilhon de l’Observatoire français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT), dans un article de la revue spécialisée Swaps.

Selon ce spécialiste des trafics, le marché européen des stupéfiants « pourrait connaître une période de pénurie et de désorganisation durable ».

Résine de cannabis du Maroc, cocaïne d’Amérique latine, héroïne venue d’Afghanistan, la plupart des drogues illicites sont affectées par « la fonction « pause » que le coronavirus impose au commerce mondial » écrit-il. Et « il est probable que les contrôles plus stricts aux frontières persisteront encore plusieurs mois », bien après le déconfinement prévu le 11 mai.

•• Une perspective qui inquiète les professionnels de santé.

Dans une France championne européenne de la consommation de cannabis, « certains fumeurs risquent de glisser vers ce qui est disponible, l’alcool et les anxiolytiques, qui ont un pouvoir addictogène plus fort » explique à l’AFP William Lowenstein, addictologue qui préside l’association SOS Addictions (voir 27 juin 2019 et 6 mai 2017).

•• Le numéro vert Drogue Info Service enregistre 6 % d’appels quotidiens supplémentaires sur la première quinzaine d’avril, par rapport à mars, selon Santé Publique France. Les écoutants, contactés surtout par des consommateurs de cannabis, voient poindre chez eux « un usage plus important de tabac et d’antidépresseurs », selon l’institution.

•• « Pour un addict, c’est pas parce qu’il n’y a plus de produit que ça règle sa problématique », résume Jean-Michel Delile, psychiatre et président de la Fédération Addiction, qui rassemble l’essentiel des structures de soins (voir 6 janvier 2019).

Au-delà d’un report vers médicaments et alcool, lui craint « des surconsommations et des overdoses », notamment de cocaïne. Car face à « l’angoisse du manque, renforcée par le confinement », le réflexe est de « faire des stocks » difficiles à gérer.

À Bordeaux où il exerce, deux cocaïnomanes suivis médicalement sont morts d’une overdose depuis mi-mars.